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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Vous mettez mes pensées en meilleurs termes que je ne pourrais le faire, Judith ; et je voudrais que vous pussiez supposer que je me suis exprimé de la manière qui vous plairait davantage.

— Vos paroles ont été assez claires, Hurry, et il convenait qu’elles le fussent. À présent, écoutez ma réponse ; elle sera, sous tous les rapports, aussi sincère que votre offre. — Il y a une raison, Henry March, qui fait que jamais je ne…

— Je crois que je vous comprends, Judith ; mais si je consens à passer par-dessus cette raison, c’en est une qui ne concerne que moi. — Pourquoi vos joues rougissent-elles comme le firmament quand le soleil se couche ? Vous ne devez pas trouver dans mes paroles un sujet d’offense, quand je n’ai pas le moindre dessein de vous offenser.

— Je ne rougis pas et je ne veux pas m’offenser, Hurry, répondit Judith, faisant pour retenir son indignation des efforts qui ne lui avaient jamais été si pénibles ; je vous répète qu’il y a une raison qui fait que jamais je ne serai ni ne pourrai être votre femme. Vous paraissez ne pas y songer ; mais mon devoir est de vous la faire connaître aussi clairement que vous venez de m’instruire de votre désir de m’épouser. Je ne vous aime ni ne vous aimerai jamais assez, j’en suis sûre, pour consentir à devenir votre femme. Nul homme ne peut désirer d’épouser une femme qui ne le préfère pas à tout autre ; et quand je vous parle avec cette franchise, je crois que vous me remercierez de ma sincérité.

— Ah ! Judith, ce sont ces élégants à habit écarlate, ces officiers des forts, qui ont fait tout le mal.

— Silence, March ! ne calomniez pas une fille sur la tombe de sa mère. Quand je n’ai d’autre désir que de vous parler avec franchise, ne me forcez pas à appeler des malheurs sur votre tête dans l’amertume de mon cœur. N’oubliez pas que je suis femme et que vous êtes homme, et que je n’ai ni père ni frère pour me venger de vos discours.

— Il y a quelque chose dans ces derniers mots, et je n’ajouterai pas une parole. — Mais prenez du temps, Judith, et réfléchissez-y mieux.

— Je n’ai pas besoin de temps, mon parti était pris depuis longtemps. Je voulais seulement vous entendre me parler clairement pour vous répondre de même. À présent, nous nous entendons l’un l’autre, et il est inutile d’en dire davantage.

Le ton sérieux et impétueux de Judith imposa au jeune homme, car jamais il ne l’avait encore vue si vive et si déterminée. Dans la