blié la circonstance importante qu’elle n’avait personne à substituer à sa place.
— Je ne puis vous dire qui était mon père, Hurry, répondit-elle avec plus de douceur ; j’espère que c’était un honnête homme, du moins.
— Ce qui est plus que vous ne croyez que Thomas Hutter ait jamais été. Eh bien, Judith, je ne nierai pas qu’on ait fait courir bien des bruits singuliers sur Tom Flottant ; mais qui est-ce qui n’attrape pas une égratignure quand c’est un ennemi qui tient l’étrille ? Il y a des gens qui ne disent pas grand bien de moi ; et vous-même, Judith, vous n’avez pas échappé à toutes les langues.
Cette phrase fut ajoutée dans la vue d’établir une sorte de communauté entre les deux parties, et, comme les politiques du jour ont coutume de le dire, avec des intentions ultérieures. Il n’est pas facile de dire quelles en auraient été les suites avec une jeune fille ayant l’esprit si résolu que Judith, et le cœur si rempli d’antipathie pour celui qui lui parlait ainsi ; mais en ce moment des signes peu équivoques annoncèrent que le dernier instant de la vie de Thomas Hutter approchait. Judith et Hetty n’avaient pas quitté le lit de mort de leur mère ; ni l’une ni l’autre n’eurent besoin d’être averties que la crise était prochaine, et tout signe de ressentiment disparut du front et des yeux de la première. Hutter ouvrit les yeux, et avança une main pour tâter autour de lui, signe que la vue lui défaillait ; une minute ensuite sa respiration devint pénible ; elle cessa bientôt tout à fait, et il rendit le dernier soupir ; instant où l’on suppose que l’âme se sépare du corps. La fin subite d’un homme qui avait rempli une place importante dans le cercle si étroit dont il avait fait partie, mit fin à toute discussion.
La journée se termina sans autre événement. Les Hurons, quoique en possession d’une pirogue, semblaient se contenter du trophée qu’ils avaient emporté, et avoir renoncé à tout dessein immédiat contre le château. Dans le fait, ce n’eût pas été une entreprise sans danger que de s’en approcher sous les mousquets de ceux qui s’y trouvaient, et il est probable que la suspension d’armes fut due à cette circonstance plutôt qu’à toute autre. Cependant on faisait tous les préparatifs pour l’enterrement de Hutter. L’enterrer dans la terre était impraticable, et Hetty désirait que son corps fût placé à côté de celui de sa mère, dans le lac. Elle cita même une occasion où il avait appelé le lac le cimetière de famille. Heureusement tout cela fut décide à l’insu de Judith, qui aurait opposé à ce plan une résistance invincible. Mais Judith n’avait pas été consultée, et toutes les