porter dans le cœur du mourant la consolation dont il avait besoin. Une autre particularité de la sagesse de la Bible, c’est qu’elle contient à peine un chapitre, à moins que ce ne soit strictement une narration, qui ne présente quelque vérité applicable au cœur de chaque homme dans quelque situation temporelle qu’il se trouve. Dans cette occasion, la première phrase : — N’y a-t-il pas un temps fixé à l’homme sur la terre ? — était frappante, et à mesure que Hetty avançait dans sa lecture, Hutter s’appliquait, ou croyait pouvoir appliquer à sa situation physique et morale un grand nombre d’aphorismes et d’expressions figurées. Les paroles solennelles — J’ai péché ; que ferai-je pour t’apaiser, ô toi conservateur des hommes ? Pourquoi m’as-tu placé comme une marque contre toi, de sorte que je suis devenu un fardeau pour moi-même ? — frappèrent Hutter plus visiblement que tout le reste ; et quoique trop obscures pour qu’un homme dont le cœur était blasé et l’esprit obtus pût les comprendre dans toute leur étendue, elles s’appliquaient tellement à sa situation, qu’il ne put s’empêcher d’en frémir.
— Ne vous trouvez-vous pas mieux à présent, mon père ? demanda Hetty en fermant le volume. Ma mère se trouvait toujours mieux quand elle avait lu la Bible.
— De l’eau ! répondit Hutter. Donnez-moi de l’eau, Judith ; je ne sais pourquoi ma langue est toujours si brûlante. — Hetty, n’est-il point parlé dans la Bible d’un homme qui était dans l’enfer, et qui demandait qu’on lui rafraîchît la langue ?
Judith se détourna, mais Hetty se hâta de chercher le passage, qu’elle lut tout haut à la victime de sa propre cupidité.
— C’est cela, Hetty, dit-il, c’est cela. Ma langue a déjà besoin d’être rafraîchie en ce moment ; que sera-ce par la suite ?
Malgré toute la confiance de Hetty dans la Bible, ces mots la réduisirent au silence, car elle ne trouvait pas de réponse à faire à un aveu si voisin du désespoir. Il était au pouvoir des deux sœurs de lui donner de l’eau, tant qu’elle pouvait soulager ses souffrances, et elles en présentèrent à ses lèvres chaque fois qu’il en demanda. Judith elle-même se mit en prières. Quant à Hetty, quand elle vit que tous ses efforts étaient inutiles pour porter le moribond à écouter d’autres versets de la Bible, elle se mit à genoux à côté de lui, et récita dévotement à voix haute les paroles que notre Sauveur a laissées après lui pour servir de modèle à la prière. Elle réitéra cet acte de piété à divers intervalles, aussi longtemps qu’elle crut pouvoir le faire avec utilité pour le mourant. Sa vie se prolongea pourtant plus longtemps que les deux sœurs ne l’auraient cru pos-