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OU LE TUEUR DE DAIMS.
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par un coup de couteau. Cet événement avait eu lieu à l’instant où la porte fut ouverte et quand Hurry se précipita sur la plate-forme. C’est pour cette raison que ni le chef des Hurons, ni Hutter, n’avaient pris part au reste du combat ; car le second était très-dangereusement blessé, et le premier n’osait se montrer à ses compagnons, couvert du sang d’un des deux blancs, après les injonctions sévères qu’il leur avait faites de les prendre tous deux en vie. Quand les trois Hurons furent de retour de leur chasse, la détermination fut prise d’abandonner le château, et ce fut alors que, pour emporter le trophée auquel ils attachaient tant de prix, ils scalpèrent le vieux Hutter, et le laissèrent pour mourir pouce à pouce, comme l’ont fait mille et mille fois les guerriers barbares de cette partie du continent américain. Si Hutter n’eût été que scalpé, il eût été possible qu’il survécût, mais le coup de couteau lui avait fait une blessure mortelle.

Il y a des instants où la justice divine se peint sous des couleurs si vives, que toute tentative pour se la cacher aux yeux, ou pour éviter de la reconnaître, devient inutile, et ce fut ce qui arriva à Judith et à Hetty, qui ne purent s’empêcher de voir les décrets d’une Providence juste et sévère, dans la manière dont leur père avait été puni du crime qu’il avait voulu lui-même commettre si récemment contre les Hurons, en devenant lui-même victime d’un crime semblable. Judith le reconnut et le sentit avec la force et la sensibilité qui faisaient partie de son caractère, tandis que l’impression que cet événement fit sur l’esprit plus simple de sa sœur fut moins vive, quoique peut-être plus durable.

— Ô Judith ! s’écria Hetty quand elles eurent donné les premiers soins au blessé, mon père a voulu lui-même aller enlever des chevelures, et où est la sienne à présent ? La Bible aurait dû lui faire craindre ce châtiment terrible.

— Chut, Hetty ; chut, ma pauvre sœur ! Il ouvre les yeux, et il peut vous entendre. C’est comme vous le dites, c’est comme vous le pensez ; mais c’est une chose trop terrible pour en parler.

— De l’eau ! s’écria Hutter, faisant un effort désespéré qui rendit sa voix forte pour un homme qui touchait évidemment au terme de sa vie. — De l’eau, sottes filles ! Me laisserez-vous mourir de soif ?

Elles s’empressèrent de lui en apporter. C’était la première fois qu’il en buvait depuis plusieurs heures passées dans des angoisses mortelles. Il se sentit la parole plus libre, et parut retrouver quelque force. Ses yeux s’ouvrirent avec ce regard inquiet et égaré,