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DEERSLAYER

ce qu’on aurait pu s’attendre à trouver dans un pareil endroit, avec des rubans et d’autres objets de parure. De jolis souliers, avec de belles boucles d’argent, comme en portaient alors les femmes qui vivaient dans l’aisance, frappaient aussi la vue, et non moins de six éventails de différents dessins et de diverses couleurs étaient placés, à demi ouverts, sur une petite table, de manière à attirer les yeux. Même l’oreiller de ce côté du lit était d’une toile plus fine que son compagnon, et était orné d’une petite dentelle. Un bonnet, que la coquetterie avait décoré de rubans, était suspendu au-dessus, et une paire de gants longs, que les femmes de condition tant soit peu inférieure portaient rarement à cette époque, y était attachée par deux épingles, comme pour les montrer avec ostentation quand on ne les voyait pas sur les bras de celle à qui ils appartenaient.

Deerslayer vit et remarqua tout cela avec une attention minutieuse qui aurait fait honneur à des observateurs aussi attentifs que ses amis les Delawares, et il ne manqua pas de s’apercevoir de la différence qui régnait entre ces deux côtés du lit, dont la tête était appuyée contre la muraille. Là, tout était de la plus grande simplicité, et rien n’attirait les regards qu’une propreté exquise. Le peu de vêtements suspendus aux chevilles étaient d’étoffes communes, de la coupe la plus ordinaire, et rien n’y sentait l’ostentation. Il ne s’y trouvait pas un seul ruban, et l’on n’y voyait ni bonnets ni fichus plus élégants qu’il ne convenait aux filles de Hutter d’en porter.

Il y avait alors plusieurs années que Deerslayer ne s’était trouvé dans un endroit spécialement destiné à l’usage des femmes de sa race et de sa couleur. Cette vue lui rappela une foule de souvenirs d’enfance, et il resta quelque temps dans cette chambre, agité d’une émotion qu’il n’avait pas éprouvée depuis longtemps. Il songea à sa mère, dont il se souvint d’avoir vu, suspendus à des chevilles, les vêtements, qui étaient aussi simples que ceux qu’il regardait comme appartenant à Hetty Hutter. Il pensa aussi à sa sœur, chez qui le goût de la parure s’était manifesté comme chez Judith, quoique nécessairement à un moindre degré. Toutes ces réminiscences ouvrirent en lui une veine de sensations qui était fermée depuis longtemps ; et quittant cet appartement sans y jeter un autre coup d’œil, il retourna dans la — cour –, à pas lents et d’un air pensif.

— Le vieux Tom a essayé un nouveau métier, et a fait son apprentissage comme trappeur, s’écria Hurry, qui avait trouvé sur la plate-forme quelques trappes à castors. Si telle est son humeur, et