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OU LE TUEUR DE DAIMS.
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mêlée, si ce terme peut s’appliquer à un combat corps à corps, dans lequel les membres des deux combattants semblaient se confondre, tandis que leurs attitudes et leurs contorsions variaient si rapidement que l’œil ne pouvait les suivre. Cette lutte désespérée avait à peine duré une minute, quand Hurry, furieux de voir sa force rendue inutile par l’agilité et la nudité de son adversaire, fit un dernier effort et lui porta un coup terrible dont la violence le poussa contre les troncs qui formaient la muraille. Le sauvage fut un moment étourdi, et il ne put retenir un gémissement sourd, ce que l’agonie même peut à peine obtenir d’un Indien. Cependant il se lança sur-le-champ contre l’homme blanc, sentant que sa vie dépendait de sa résolution. Hurry le saisit par la ceinture, l’enleva de terre, le renversa, et se précipita sur lui. Ce nouveau choc épuisa tellement les forces du Huron, qu’il resta à la merci de son antagoniste. Celui-ci, passant les mains autour du cou de sa victime, le lui serra comme un écrou. L’Indien avait alors la tête renversée sur le bord de la plate-forme, le menton en l’air ; ses yeux semblaient vouloir sortir de leurs orbites, sa langue avançait hors de sa bouche, et ses narines étaient dilatées presque à se fendre. En cet instant une corde ayant un nœud coulant à l’un de ses bouts fut passée adroitement sous les bras de Hurry ; l’autre bout fut passé dans le nœud, et ses deux coudes furent serrés derrière son dos avec une force à laquelle toute la sienne ne put résister. Ce fut avec rage que le fougueux habitant des frontières sentit ses mains forcées de lâcher sa victime, tandis qu’on s’assurait en même temps de ses jambes de la même manière. Il ne lui restait aucun moyen de se défendre, et l’on fit rouler son corps jusqu’au centre de la plate-forme, aussi cavalièrement que si c’eût été une souche de bois. Son antagoniste ne se releva pourtant pas sur-le-champ, car, quoiqu’il commençât à respirer, sa tête pendait encore sur le bord de la plate-forme, et l’on crut un moment qu’il avait le cou disloqué ; il ne revint à lui que peu à peu, et il se passa quelques heures avant qu’il pût marcher. Plusieurs de ses compagnons crurent que son corps et son esprit se ressentiraient toujours d’avoir été si près de la mort.

Hurry fut redevable de sa défaite et de sa captivité à l’ardeur avec laquelle il avait concentré toutes ses pensées sur son ennemi. Tandis qu’il ne songeait qu’à l’étrangler, deux des Indiens qu’il avait jetés dans le lac avaient réussi à remonter sur la plate-forme, et avaient rejoint leur jeune compagnon qui n’avait pris aucune part à ce combat, mais qui avait assez repris l’usage de ses facultés