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OU LE TUEUR DE DAIMS.

dien. Ses mouvements étaient si naturels, et annonçaient si peu le désir de ruser et de tromper, qu’il s’imagina qu’elle ne s’était levée qu’à cause du froid de la nuit, circonstance qui n’était pas rare dans un bivouac indien, et qui donnait peut-être lieu à moins de soupçons qu’aucune autre. Hetty lui parla, mais il ne comprenait pas l’anglais. Elle resta près d’une minute à regarder le prisonnier endormi, et se retira à pas lents d’un air mélancolique.

Elle ne prit aucune peine pour cacher ses mouvements. Tout expédient ingénieux de cette nature était au-dessus de ses moyens ; mais son pas était habituellement léger, et à peine pouvait-on l’entendre. Lorsqu’elle se mit en marche vers l’extrémité de la pointe, c’est-à-dire vers l’endroit où elle avait débarqué lors de sa première excursion, la sentinelle la vit disparaître peu à peu dans les ténèbres sans s’en inquiéter et sans changer de position. Il savait que deux ou trois de ses compagnons veillaient aux deux extrémités de la pointe, et il ne croyait pas qu’une jeune fille qui était déjà venue deux fois volontairement dans le camp, et qui, la première, en était partie publiquement, voudrait maintenant le quitter en cachette. En un mot, la conduite de Hetty n’excita pas plus d’attention que ne le ferait dans une société civilisée celle d’une personne connue pour avoir l’esprit faible, tandis qu’elle trouvait chez les Indiens plus de considération et de respect.

Hetty n’avait certainement pas une idée très-distincte des localités, mais elle trouva le rivage, qu’elle atteignit du même côté que celui où se trouvait le camp. Elle suivit le bord de l’eau en remontant vers le nord, et elle rencontra bientôt l’Indien qui était de garde sur les sables. C’était un jeune guerrier, et quand il entendit un pas léger s’approcher, il accourut à elle avec un empressement qui n’avait rien de menaçant. L’obscurité était si profonde, qu’il n’était pas facile, sous l’ombre des bois, de découvrir les formes à vingt pieds de distance, et il était impossible de distinguer les traits d’une personne avant d’en être assez près pour la toucher. Le jeune Huron parut désappointé en reconnaissant Hetty ; car, pour dire la vérité, il attendait sa maîtresse, qui lui avait promis de venir le distraire de l’ennui d’une garde de nuit. Il ne savait pas l’anglais plus que son camarade ; mais il ne fut pas surpris de voir la jeune blanche debout à une pareille heure. Cela n’était pas rare dans un village ou un camp d’indiens, où il n’y a pas d’heures régulières pour dormir ou pour prendre ses repas. D’ailleurs la faiblesse d’esprit bien connue de la pauvre Hetty fut sa protection en cette occasion, comme en beaucoup d’autres, auprès des sauvages. Contrarié