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DEERSLAYER

et je crains que ce ne soit le don d’une Face-Pâle de céder à de grands tourments, tandis qu’ils n’empêchent pas une Peau-Rouge de chanter et de se vanter de ses exploits pour braver ses ennemis.

— Nous verrons. Hawkeye a l’air ferme, et son corps est endurci. — Mais pourquoi serait-il mis à la torture quand les Hurons sont ses amis ? Il n’est pas né leur ennemi, et la mort d’un de leurs guerriers ne jettera pas un nuage éternel entre eux et lui.

— Tant mieux, Huron, tant mieux. Cependant je ne veux rien devoir à une méprise, et il faut bien nous entendre. Je suis charmé que vous n’ayez pas de rancune pour la perte d’un guerrier qui a péri dans la guerre ; mais il n’est pas vrai qu’il n’y ait pas d’inimitié — je veux dire d’inimitié légale — entre nous. En tant que j’ai les sentiments d’une Peau-Rouge, ce sont ceux des Delawares ; et je vous laisse à juger jusqu’à quel point ils doivent être amis des Mingos.

Deerslayer cessa tout à coup de parler, car il aperçut en face de lui une sorte de spectre dont l’apparition subite interrompit son discours et le fit douter un instant de la bonté de ses yeux : Hetty Hutter était debout près du feu, aussi tranquillement que si elle eût fait partie de la tribu.

Tandis que le jeune chasseur et le chef indien épiaient, chacun de son côté, l’émotion qui se peignait involontairement sur la physionomie de l’autre, la jeune fille s’était approchée sans qu’on fît attention à elle, ayant sans doute monté sur le rivage au sud de la pointe, ou près de l’endroit où l’arche avait jeté l’ancre, et elle s’était avancée vers le feu avec cette confiance qui caractérisait sa simplicité, et qui d’ailleurs était justifiée par la manière dont les Indiens l’avaient déjà traitée. Dès que Rivenoak l’aperçut, il la reconnut, et appelant deux ou trois des plus jeunes guerriers, il leur ordonna de faire une reconnaissance, de crainte que cette apparition ne fût l’annonce de quelque nouvelle attaque. Il fit alors signe à Hetty d’approcher.

— J’espère que votre arrivée, Hetty, est un signe que le Serpent et Hist sont en sûreté, dit Deerslayer dès qu’elle eut obéi au geste du Huron. — Je ne crois pas que vous soyez venue ici une seconde fois dans un dessein semblable à celui qui vous y a déjà amenée.

— C’est Judith qui m’a dit d’y venir cette fois-ci, Deerslayer ; elle m’y a conduite elle-même dans une pirogue, aussitôt que le Serpent lui eut fait voir Hist et lui eut conté son histoire. Comme Hist est belle ce soir ! combien elle a l’air plus heureuse que lorsqu’elle était avec les Hurons !