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DEERSLAYER

occasions de le harceler, si elle ne pouvait lui nuire plus sérieusement, tant qu’il serait au pouvoir de ses ennemis ; car rien ne porte la rage à un plus haut degré que la certitude qu’une tentative qu’on a faite pour exciter la colère n’a abouti qu’à faire naître le mépris, sentiment qui est ordinairement le plus impassible de tous ceux qui se trouvent dans le cœur humain. Rivenoak s’assit tranquillement à côté du prisonnier, et après un moment de silence, il entama une conversation que nous traduirons, suivant notre usage, en notre langue, par égard pour ceux de nos lecteurs qui n’ont pas étudié les idiomes des Indiens du nord de l’Amérique.

— Mon ami Face-Pâle est le bienvenu, dit l’Indien avec un air de familiarité, et un sourire dont l’expression était si bien couverte, qu’il fallut toute la vigilance de Deerslayer pour la découvrir, et une bonne partie de sa philosophie pour ne montrer aucune émotion après l’avoir découverte. — Oui, il est le bienvenu. Les Hurons ont un bon feu pour sécher les vêtements d’un homme blanc.

— Je vous remercie, Huron, ou Mingo, comme je préfère vous appeler ; je vous remercie de votre bienvenue et de votre feu ; l’un et l’autre sont utiles dans son genre, et le feu est très-bon, quand on sort d’une source aussi froide que le Glimmerglass. Même la chaleur d’un feu huron peut alors être agréable à un homme qui a le cœur d’un Delaware.

— La Face-Pâle… Mais mon frère a un nom. Un si grand guerrier ne peut avoir vécu sans nom.

— Mingo, répondit le jeune chasseur, son regard et le coloris de ses joues trahissant un peu la faiblesse de la nature humaine ; — Mingo, votre brave m’a nommé Hawkeye, et je suppose que c’est à cause d’un coup d’œil prompt et sûr, quand il avait la tête appuyée sur mes genoux, avant que son esprit partît pour vos forêts bienheureuses, toujours pleines de gibier.

— C’est un beau nom. — Le faucon est sûr de son coup. Mais Hawkeye n’est pas une femme ; pourquoi vit-il avec les Delawares ?

— Je vous comprends, Mingo ; mais nous regardons tout cela comme une invention de quelques-uns de vos démons astucieux. La Providence m’a placé tout jeune parmi les Delawares, et sauf ce que les usages chrétiens exigent de ma nature et de ma couleur, j’espère vivre et mourir dans leur tribu. Je ne renonce pourtant pas tout à fait à mes droits comme homme blanc, et je tâcherai de remplir les devoirs de Face-Pâle dans la compagnie des Peaux-Rouges.

— Bon ! un Huron est une Peau-Rouge aussi bien qu’un Dela-