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OU LE TUEUR DE DAIMS.

fin de ce combat à mort, car une demi-douzaine de sauvages s’étant jetés à l’eau pour donner du secours à leur compagnon, Deerslayer se rendit prisonnier, avec une dignité égale à son dévouement.

Quitter les bords du lac et conduire leur nouveau prisonnier près du feu qu’ils avaient allumé, fut l’affaire de quelques instants. Les sauvages étaient si occupés de la lutte qui venait d’avoir lieu et de la manière dont elle s’était terminée, qu’aucun d’eux n’aperçut la pirogue, quoiqu’ils en fussent si près que Chingachgook et Hist entendaient distinctement chaque mot qui était prononcé. Les Indiens s’éloignèrent donc, les uns continuant à poursuivre Hist le long du rivage, la plupart retournant vers le feu. L’antagoniste de Deerslayer, que celui-ci avait presque étranglé, avait alors repris haleine, et il recouvra assez de force pour raconter à ses compagnons de quelle manière Hist s’était échappée. Il n’était plus temps de chercher à la reprendre ; car dès que le Delaware avait vu emmener son ami dans les buissons, il avait pris les rames, et dirigé sans bruit la légère nacelle vers le milieu du lac pour la mettre hors de la portée du mousquet, après quoi il chercha à rejoindre l’arche.

Quand Deerslayer fut arrivé près du feu, il se trouva entouré de huit sauvages à figure farouche, parmi lesquels il reconnut son ancienne connaissance Rivenoak. Dès que celui-ci eut jeté les yeux sur le prisonnier, il parla à part à ses compagnons, qui ne purent retenir une exclamation de surprise et de plaisir, quoiqu’à voix basse, en apprenant que le blanc, objet de leur merci ou de leur vengeance, était celui qui avait tout récemment donné la mort à un de leurs guerriers de l’autre côté du lac. Il ne se mêlait pas peu d’admiration dans les regards féroces qu’ils jetaient sur leur captif, et cette admiration était excitée autant par le sang-froid qu’il montrait en ce moment que par l’exploit qui avait coûté la vie à leur compagnon. On peut dire que ce fut le commencement de la grande réputation dont Deerslayer, ou Hawkeye, comme on l’appela par la suite, jouit parmi toutes les tribus de New-York et du Canada ; réputation qui était certainement moins étendue et moins connue que celle qu’on peut acquérir dans un pays civilisé, mais qui trouvait une compensation à ce qui lui manquait à cet égard, en ce qu’elle était juste et méritée, et qu’il ne la devait ni aux intrigues ni aux manœuvres.

On ne lia pas les bras de Deerslayer, et on lui laissa le libre usage de ses mains, après lui avoir retiré son couteau. Les seules précautions qu’on prit pour s’assurer de lui, furent de le surveiller de près, et de lui attacher les deux jambes avec une forte corde