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OU LE TUEUR DE DAIMS.

Quoiqu’ils pussent se tromper dans leurs conclusions et leurs déductions, il est certain qu’ils discutaient ces questions avec une attention que rien ne partageait. Toute autre chose était oubliée pour le moment, et les deux amis n’auraient pu trouver un instant plus favorable pour arriver.

Les femmes étaient réunies ensemble à peu près comme Deerslayer les avait vues la dernière fois, presque en ligne entre le feu et l’endroit où il était. La distance des Indiens au chêne contre lequel les deux jeunes gens étaient appuyés pouvait être d’environ trente toises, et les femmes en étaient plus près d’environ moitié : à une si faible distance, il fallait à nos aventuriers la plus grande circonspection dans tous leurs mouvements pour ne faire aucun bruit. Quoiqu’elles causassent ensemble d’une voix douce et basse, il était possible, au milieu du profond silence d’une forêt, d’entendre des fragments de leur conversation, et les éclats de rire qui leur échappaient quelquefois auraient pu être entendus même de la pirogue. Deerslayer sentit le tremblement qui agita tout le corps de son ami quand celui-ci reconnut pour la première fois les doux accents qui sortaient des jolies lèvres rebondies de Hist. Il appuya même une main sur l’épaule du chef indien, comme pour l’avertir de maintenir son empire sur lui-même. L’entretien des Indiennes commençant à s’animer, tous deux se penchèrent en avant pour écouter.

— Les Hurons ont des bêtes plus curieuses que cela, dit l’une d’elles d’un ton méprisant ; car, de même que les hommes, elles causaient de l’éléphant. Les Delawares croient cette créature merveilleuse ; mais pas un Huron n’en parlera demain. Si ces animaux osaient s’approcher de nos wigwams, nos jeunes gens sauraient les trouver.

Ces mots s’adressaient, dans le fait, à Wah-ta !-Wah, quoique celle qui les prononçait fît semblant de n’oser la regarder par méfiance d’elle-même et par humilité.

— Les Delawares sont si loin de laisser entrer de pareilles bêtes dans leur pays, répliqua Hist, que personne n’y avait même jamais vu leur image. Leurs jeunes hommes feraient reculer d’effroi les images aussi bien que les bêtes.

— Les Delawares, de jeunes hommes ! C’est une nation de femmes. Qui a jamais entendu le nom d’un jeune guerrier delaware ? Les daims eux-mêmes continuent à paître quand ils entendent leur chasseur s’approcher. Qui a jamais entendu le nom d’un guerrier delaware ?