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DEERSLAYER

rendez-vous. Tous ses efforts furent inutiles, et après avoir erré quelques instants encore autour du camp avec une indifférence affectée, les deux filles quittèrent leur escorte, et allèrent s’asseoir parmi celles de leur sexe. Immédiatement après, la vieille sentinelle prit une place plus à sa guise, ce qui prouvait bien que jusqu’à ce moment elle n’avait pas cessé d’être sur le qui-vive.

Deerslayer se trouva alors fort embarrassé : il savait parfaitement que Chingachgook ne consentirait jamais à retourner à l’arche sans faire quelques efforts désespérés pour délivrer sa maîtresse, et sa générosité le portait à aider son ami dans une semblable entreprise. À certains indices, il crut voir chez les femmes l’intention de se retirer pour la nuit, et si le feu continuait à répandre sa clarté, il pouvait, en restant à son poste, découvrir la hutte ou l’abri occupé par Hist ; circonstance qui leur serait d’un immense secours pour le parti qu’ils prendraient plus tard. S’il tardait pourtant beaucoup plus longtemps, il était à craindre que l’impatience de son ami ne l’entraînât dans quelque imprudence. À chaque instant il s’attendait à voir apparaître dans le lointain la figure basanée du Delaware, semblable au tigre rôdant autour du troupeau. Prenant donc toutes ces choses en considération, il en vint à conclure qu’il ferait mieux de rejoindre son ami, dont il s’efforcerait de calmer l’impétuosité à l’aide de son sang-froid et de sa discrétion. Deux minutes lui suffirent pour mettre ce plan à exécution, et la pirogue retourna vers la plage, dix ou douze minutes après l’avoir quittée.

Contre son attente, peut-être, Deerslayer trouva l’Indien à son poste, dont il n’avait pas bougé, de peur que sa fiancée n’arrivât durant son absence. Dans la conférence qu’il eut avec son ami, Chingachgook fut mis au fait de ce qui se passait dans le camp. En indiquant la pointe comme lieu de rendez-vous, Hist avait projeté de s’échapper de l’ancienne position, et de gagner un endroit qu’elle se flattait de trouver inoccupé ; mais le changement soudain d’emplacement avait déjoué tous ses plans. Une vigilance bien plus active que celle qu’ils avaient dû déployer précédemment, devenait maintenant nécessaire, et la surveillance exercée par la vieille femme dénotait aussi quelques causes particulières d’alarme. Toutes ces considérations, et une foule d’autres qui s’offriront d’elles-mêmes au lecteur, furent brièvement discutées par les deux jeunes gens avant qu’ils prissent aucune décision. Néanmoins, comme la circonstance était de celles qui veulent qu’on agisse au lieu de parler, le parti à prendre fut bientôt décidé.

Après avoir placé la pirogue de manière à ce qu’elle fût aperçue