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DEERSLAYER
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causes, et jamais il ne se passait de jour qu’il n’entrât en communion mentale, sans le secours du langage, avec la source infinie de tout ce qu’il voyait, sentait et contemplait.

Ainsi constitué dans un sens moral, et doué d’une fermeté qu’aucun danger ne pouvait ébranler, qu’aucune situation critique ne pouvait troubler, il n’est pas étonnant qu’il éprouvât, à la vue de la scène qui s’offrit à ses yeux, un plaisir qui lui fit momentanément oublier le motif de son excursion. La description de cette scène fera ressortir plus complètement cette situation.

La pirogue était alors en face d’une percée naturelle, non-seulement à travers les buissons qui couvraient le rivage, mais même à travers les arbres de la forêt, qui donnait une vue complète du camp des ennemis. C’était par le moyen de cette percée que la lumière avait été aperçue du bateau pour la première fois. Comme ils venaient de changer tout récemment de campement, les Indiens ne s’étaient pas encore retirés dans leurs huttes ; ce moment avait été retardé par les préparatifs nécessaires tant pour leur logement que pour leur nourriture. On avait allumé un grand feu, tant pour servir de torches que pour préparer leur simple repas ; et en ce moment la flamme s’élevait vive et brillante dans les airs, car on venait d’y jeter un nouveau supplément de branches sèches. Les arches de verdure de la forêt étaient comme illuminées, et l’espace occupé par le camp était éclairé comme si l’on y eût allumé plusieurs centaines de torches. La plupart des travaux avaient cessé, et l’enfant même le plus affamé avait satisfait son appétit. En un mot, c’était ce moment de relâchement et d’indolence générale qui suit ordinairement un bon repas, et où le travail de la journée est terminé. Les chasseurs et les pêcheurs avaient eu un égal succès, et les aliments, ce grand besoin de la vie sauvage, étant abondants, tous autres soucis semblaient avoir disparu pour faire place au sentiment de jouissance dépendant de ce fait important.

Deerslayer vit du premier coup d’œil que plusieurs des guerriers étaient absents. Il aperçut pourtant Rivenoak, sa connaissance, assis au premier plan d’un tableau que Salvator Rosa se serait fait un plaisir de dessiner ; ses traits basanés, illuminés par le plaisir autant que par la lueur de la flamme, tandis qu’il montrait à un autre Indien un des éléphants qui avaient causé une telle sensation dans sa tribu. Un enfant regardant par-dessus son épaule avec une curiosité niaise complétait ce groupe. Plus loin, sur l’arrière-plan, huit à dix guerriers étaient à demi couchés par terre, ou assis le dos appuyé contre des arbres, offrant autant d’images d’un repos indo-