Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
OU LE TUEUR DE DAIMS.

voisinage duquel il pouvait devenir dangereux de rester beaucoup plus longtemps. L’air gonfla bientôt la toile, et quand le scow eut commencé à obéir au gouvernail et que la voile eut été orientée, on reconnut que la brise venait du sud, et portait vers la rive orientale. Ceux qui se trouvaient à bord du scow, ne trouvant aucun moyen pour faire route plus convenablement à leurs vues, le laissèrent glisser sur la surface de l’eau dans cette direction pendant plus d’une heure ; mais alors un nouveau courant d’air les poussa du côté du camp des Indiens.

Deerslayer surveillait tous les mouvements de Hutter et de Harry avec une attention infatigable. Il ne savait trop d’abord s’il devait attribuer à un accident ou à un projet formé la route qu’ils suivaient ; mais en ce moment il commença à faire cette dernière supposition. Il était aisé, pour un homme qui connaissait le lac comme Hutter, de tromper un novice en navigation ; et quelles que fussent ses intentions, il fut évident, moins de deux heures après, que l’arche avait avancé assez loin pour se trouver à très-peu de distance du rivage, précisément par le travers de la position bien connue du camp. Longtemps avant d’y arriver, Hurry, qui connaissait quelque peu la langue des Algonquins, s’en était servi pour avoir un entretien secret avec le Delaware ; et celui-ci en apprit le résultat à Deerslayer, qui avait observé tout ce qui s’était passé d’un air froid, pour ne pas dire méfiant.

— Mon vieux père et mon jeune frère, le Grand-Pin, car le Delaware avait ainsi nommé March, veulent voir des chevelures de Hurons à leurs ceinturons, dit Chingachgook à son ami. Il y a place pour quelques-unes à celle du Serpent, et les guerriers de sa nation s’attendent à les y voir quand il retournera dans son village. Il ne faut pas que leurs yeux restent longtemps couverts d’un brouillard, il faut qu’ils trouvent ce qu’ils cherchent quand ils regarderont. Je sais que mon frère a la main blanche, il ne scalpera pas même les morts. Il nous attendra ; et à notre retour, il ne détournera pas les yeux en rougissant de son ami. Le Grand-Serpent des Mohicans doit être digne de marcher dans le sentier de guerre avec Hawkeye.

— Ah ! ah ! Serpent, je vois ce que c’est ; ce nom est destiné à me rester, et avec le temps je finirai par l’entendre substituer à celui de Deerslayer ; eh bien ! quand de semblables honneurs arrivent, le plus humble de nous tous doit s’y soumettre volontiers. Quant à votre désir de prendre des chevelures, c’est dans vos dons, et je n’y vois aucun mal. Néanmoins, soyez miséricordieux, Serpent ; soyez