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DEERSLAYER

gardant l’arbre du côté de la racine ; tout y est aussi en sûreté que si une vieille femme l’avait enfermé dans son buffet. Prêtez-moi la main, Deerslayer, et nous serons sur l’eau dans une demi-heure.

Le chasseur s’approcha de son compagnon, et tous deux se mirent régulièrement à l’ouvrage en hommes habitués au travail dont ils s’occupaient. D’abord Hurry enleva les morceaux d’écorce qui couvraient un grand creux dans l’intérieur de l’arbre, et que Deerslayer déclara avoir été placés de manière à attirer l’attention de tout rôdeur qui aurait passé par là, plutôt qu’à cacher ce qu’on voulait dérober à la vue. Ils en tirèrent ensuite une pirogue d’écorce garnie de bancs, de rames, en un mot de tout ce qui pouvait être nécessaire à un pareil esquif, et même de lignes à pêcher. Cette pirogue n’était pas de la plus petite dimension, mais elle était si légère et la force de March était telle, qu’il la mit sur son épaule sans avoir besoin d’aide, pas même pour la lever de terre.

— Marchez en avant, Deerslayer, dit Hurry, et écartez les buissons ; je me charge du reste.

Son compagnon obéit, et ils se mirent en marche, Deerslayer frayant le chemin et prenant à droite ou à gauche, suivant que March le lui indiquait. Au bout d’environ dix minutes, ils se trouvèrent tout à coup sous les rayons brillants du soleil, sur une petite pointe sablonneuse dont une bonne moitié était baignée par les eaux d’un lac.

Quand Deerslayer arriva sur le bord du lac, et qu’il vit l’aspect inattendu qui s’offrait à ses regards, une exclamation de surprise lui échappa, mais d’une voix basse et retenue, car il avait l’habitude de la présence d’esprit et de la circonspection à un degré beaucoup plus grand que son ami Hurry. Dans le fait, cette vue était assez frappante pour mériter une courte description. Presque de niveau avec la pointe sur laquelle ils se trouvaient, était une belle nappe d’eau tranquille et limpide, dont la longueur s’étendait à environ trois lieues, tandis que sa largeur en face de la pointe pouvait être d’une demi-lieue et plus, mais se resserrait à moins de moitié de cette distance du côté du sud. Ses bords étaient irréguliers, tantôt étant dentelés par de petites criques, tantôt des langues de terre basse s’avançant dans les eaux du lac. À l’extrémité septentrionale, le lac était borné par une montagne dont les flancs s’abaissaient régulièrement des deux côtés par une pente douce. Cependant le caractère du pays était montagneux, des hauteurs assez élevées sortant presque du sein des eaux sur les neuf dixièmes de la circonférence du lac. Les exceptions ne servaient qu’à varier un peu la