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LE TUEUR DE DAIMS.

chaîné, quand vous étiez étendu sur ces branches de chêne, et je suis seulement étonné que vous n’ayez pas grogné davantage. Allons, c’est passé, et ni les soupirs ni les lamentations ne peuvent y rien changer ! Ce gredin de Rivenoak, celui qui nous a ramenés, a une chevelure peu commune, et j’en donnerais moi-même autant que la colonie. Oui, dans l’affaire actuelle, je me sens aussi riche que le gouverneur, et je paierais avec lui doublon pour doublon. Judith, ma mignonne, m’avez-vous beaucoup pleuré, pendant que j’étais entre les mains des Philipsteins ?

C’était une famille d’origine allemande, habitant sur les bords du Mohawk, pour laquelle il avait une vive antipathie, et dont il avait confondu le nom avec celui des ennemis de la Judée.

— Nos larmes ont grossi le lac, Harry March, comme vous l’auriez pu voir du rivage ! répondit Judith avec une affectation de légèreté bien éloignée de ses pensées. — Il était naturel que la position de notre père nous donnât du chagrin à Hetty et à moi ; mais nous avons réellement versé des torrents de larmes en songeant à vous.

— Nous avons plaint le pauvre Hurry, aussi bien que notre père, Judith ! repartit sans réflexion son innocente sœur.

— Vrai, Hetty, vrai ; mais vous savez que nous plaignons tous ceux qui sont dans le malheur, reprit Judith à voix basse, mais d’un ton animé. — Toutefois, nous sommes contentes de vous voir, maître March, et surtout hors des mains des Philipsteins.

— Oui, c’est une vilaine race, ainsi que la couvée qu’elle a placée plus bas sur la rivière. — Je me demande avec surprise comment vous avez pu nous délivrer, Deerslayer, et à cause de ce petit service je vous pardonne de m’avoir empêché de traiter ce vagabond comme il le méritait. Confiez-nous ce secret, pour que dans l’occasion nous puissions vous rendre la pareille. Avez-vous employé ruses ou caresses ?

— Ni les unes ni les autres ; nous avons payé une rançon pour vous deux, et le prix en a été si élevé que vous ferez bien de prendre garde de redevenir captifs, de peur que notre fonds de marchandises ne soit plus suffisant.

— Une rançon ! — Le vieux Tom a payé les violons, en ce cas, car rien de ce que je possède n’aurait pu racheter ma chevelure, encore moins ma peau. Je ne pensais pas que des hommes aussi malins que ces vagabonds donneraient si facilement la liberté à un prisonnier qu’ils tenaient en leur pouvoir sans défense ; mais l’argent est l’argent, et, je ne sais comment, il semble contre nature de lui ré-