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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Les Iroquois ne sont pas des canards pour marcher sur l’eau ! Que les Faces-Pâles leur donnent une pirogue, et ils viendront dans une pirogue.

— Cela est plus raisonnable que probable. Nous n’avons que quatre pirogues, et comme nous sommes quatre, ce n’est qu’une pour chacun de nous. Quoi qu’il en soit, nous vous remercions de l’offre, tout en vous demandant la permission de ne pas l’accepter. Iroquois, vous êtes les bien-venus sur vos troncs d’arbres.

— Merci. — Mon jeune guerrier Face-Pâle a un nom ; — comment l’appellent les chefs ?

Deerslayer hésita un instant, et un soudain mouvement d’orgueil et de faiblesse humaine s’empara de lui. Il sourit, grommela entre ses dents, puis, levant des yeux pleins de fierté, il dit :

— Mingo, ainsi que tous ceux qui sont jeunes et actifs, j’ai été connu à différentes époques sous des noms différents. Un de vos guerriers, dont l’esprit est parti pour les forêts giboyeuses destinées à votre peuple, pas plus tard qu’hier matin, me jugea digue d’être connu sous le nom de Hawkeye, et cela parce que mon coup d’œil s’est trouvé plus prompt que le sien, dans un moment où il y allait de la vie ou de la mort pour l’un de nous.

Chingachgook, qui prêtait une oreille attentive à tout ce qui se passait, entendit et comprit cette preuve de faiblesse momentanée donnée par son ami, qu’il questionna dans une autre occasion pour en obtenir de plus longs détails au sujet de toute l’affaire de la pointe où Deerslayer avait donné la mort pour la première fois à un de ses semblables. Une fois instruit de toute la vérité, il ne manqua pas d’en faire part à la tribu, et depuis ce temps le jeune chasseur fut universellement connu parmi les Delawares sous un surnom qu’il avait si honorablement gagné. Cependant, comme ce fait est postérieur à tous les incidents de notre histoire, nous continuerons à donner au jeune chasseur le nom sous lequel on l’a d’abord présenté au lecteur. L’Iroquois ne fut pas moins frappé que Chingachgook d’entendre l’homme blanc se vanter ainsi. Il savait la mort de son camarade, et il n’eut aucune peine à saisir l’allusion. Cette rencontre entre le vainqueur et la victime avait eu pour témoins plusieurs sauvages qui se trouvaient sur les bords du lac, et qui avaient été postés sur différents points à la lisière des buissons, pour surveiller les pirogues entraînées à la dérive, mais qui n’avaient pas eu le temps de se porter sur la scène du combat avant la retraite du vainqueur. L’émotion éprouvée par cet habitant des forêts se manifesta par une exclamation de surprise à laquelle