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OU LE TUEUR DE DAIMS.

sans une attaque ; quant à l’ennemi, il avait assez de sagacité pour comprendre qu’en s’emparant du château, il deviendrait probablement maître de tout ce qu’il contenait, y compris la rançon offerte, sans rien perdre pour cela de l’avantage qu’il avait déjà gagné. Quelque précaution de ce genre parut donc absolument nécessaire, car maintenant que le nombre des Iroquois était connu, un assaut nocturne pouvait difficilement être soutenu avec succès. Impossible d’empêcher l’ennemi de se saisir des pirogues et de l’arche, qui eût offert elle-même aux assaillants un abri contre les balles, aussi sûr que celui que donnait la maison à ses habitants. Pendant quelques minutes les deux amis eurent l’idée de couler l’arche sur un bas-fond, et de transporter les pirogues dans le château, qui deviendrait alors leur seule protection ; mais la réflexion les convainquit à la fin que cet expédient échouerait. Il était si facile de rassembler des troncs d’arbres sur le rivage, et de construire des radeaux presque de toutes dimensions, que sans aucun doute les Iroquois, maintenant que leur attention s’était arrêtée à ce moyen, en useraient sérieusement aussi longtemps que la persévérance pourrait assurer le succès. Après une mûre délibération et un scrupuleux examen de toutes les considérations, les deux jeunes novices dans l’art de la guerre dans les bois s’accordèrent à penser que l’arche offrait la seule sécurité possible. Cette décision ne fut pas plutôt adoptée qu’ils la communiquèrent à Judith. La jeune fille n’ayant aucune objection sérieuse à y faire, ils se mirent tous quatre en devoir d’exécuter leur plan.

Le lecteur comprendra aisément que les biens terrestres du vieux Tom n’étaient pas très-considérables. Deux lits, quelques vêtements, les armes et les munitions, un petit nombre d’ustensiles de cuisine, formaient, avec la caisse mystérieuse à demi examinée, à peu près tout ce qu’il possédait. Tout cela fut bientôt déménagé, car l’arche avait été halée à l’est de la maison, afin que du rivage on ne pût découvrir cette opération. Ils ne crurent pas nécessaire de déplacer les meubles pesants et communs dont on n’avait pas besoin dans l’arche, et qui d’ailleurs n’avaient que peu de valeur intrinsèque. Comme il fallait user de grandes précautions pour transporter les différents objets, qui pour la plupart furent passés par la fenêtre afin que l’ennemi n’aperçût pas de ce qui se faisait, deux ou trois heures s’écoulèrent avant que tout fut terminé. En cet instant on vit le radeau qui s’éloignait du rivage. Deerslayer prit aussitôt sa longue-vue, à l’aide de laquelle il découvrit qu’il était monté par deux guerriers, qui du reste paraissaient être sans armes. Le radeau