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CHAPITRE XIV.


Jamais assurément, s’écrie l’un, animal plus étrange n’a existé sous le soleil : un corps de lézard, mince et long, une tête de poisson, une langue de serpent, une patte armée de trois griffes séparées ; et quelle longueur de queue par derrière !
Merrick.


Le premier soin du Delaware, lorsqu’il eut rejoint son ami, fut de procéder gravement à se débarrasser de son accoutrement d’homme civilisé, et de se montrer de nouveau un guerrier indien. Il répondit aux objections faites à ce sujet par Deerslayer, en l’informant que la présence d’un Indien était connue des Iroquois, et que s’il gardait son déguisement, les soupçons se dirigeraient plus probablement sur son projet réel, que s’il se montrait ouvertement comme membre d’une tribu hostile. Quand ce dernier eut compris la vérité, et appris qu’il avait supposé à tort que le chef fût entré dans l’arche sans être découvert, il consentit gaiement à la métamorphose, puisqu’il était inutile de chercher plus longtemps à se cacher. Dans le fond néanmoins, ce désir de paraître en fils de la forêt provenait d’un sentiment plus tendre que celui qu’il avouait ; on lui avait dit que Hist se trouvait sur le rivage opposé ; et la nature triompha à tel point des distinctions de costumes, de tribus et de peuple, qu’elle réduisit ce jeune guerrier sauvage au niveau des sentiments qu’on aurait trouvés chez l’habitant le plus raffiné d’une ville en pareilles circonstances. Il éprouvait une douce satisfaction à penser que son amante pouvait le voir, et en s’avançant sur la plate-forme dans son costume habituel, en Apollon du désert, une foule de ces images caressantes qui voltigent autour de l’esprit des amants assiégèrent son imagination et attendrirent son cœur.

Tout cela fut perdu pour Deerslayer, qui n’était pas très-versé dans les mystères de Cupidon, mais dont l’esprit se préoccupait beaucoup plus des intérêts qui réclamaient son attention que des molles pensées d’amour. Il se hâta donc de ramener son compagnon au sentiment de leur condition présente, en le convoquant à une espèce de conseil de guerre, dans lequel ils devaient arrêter leurs futurs plans de conduite. Dans le dialogue qui suivit, ils se communiquèrent réciproquement ce qui s’était passé pendant leurs