Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
DEERSLAYER

grave d’un guerrier, qu’il aurait souhaité qu’elle pût le voir dans ce moment d’embellissement.

— Ôtez-le, Serpent, ôtez-le, reprit l’inflexible Deerslayer ; de semblables vêtements ne vous vont pas mieux qu’ils ne m’iraient. Vos dons sont pour la peinture, les plumes de faucon, les couvertures et les wampum ; les miens pour des vêtements de peau, des bas de bon cuir et de solides moccasins. Je dis moccasins, Judith ; car, quoique blanc, vivant dans les bois comme je le fais, il est nécessaire d’adopter quelques usages des bois, pour ses propres aises et par économie.

— Je ne vois pas, Deerslayer, pourquoi un homme ne pourrait pas porter un habit écarlate, aussi bien qu’un autre, répliqua Judith. Je voudrais vous voir sous cet habit.

— Me voir sous un habit qui conviendrait à un seigneur ! Eh bien, Judith, si vous attendez jusqu’à ce jour-là, vous attendrez jusqu’à ce que je n’aie plus ni raison ni mémoire. Non, non, mes dons sont mes dons, je vivrai et je mourrai avec eux, quand bien même je n’abattrais jamais plus un autre daim, quand bien même je ne percerais plus un seul saumon avec ma lance. Qu’ai-je fait pour que vous souhaitiez de me voir un habit aussi brillant, Judith ?

— C’est que je pense, Deerslayer, que les jeunes galants de la garnison, à langue menteuse et à cœur faux, ne devraient pas être les seuls à paraître sous ce beau plumage ; mais que la franchise et la probité ont aussi des droits aux honneurs et aux distinctions.

— Et quelle distinction serait-ce pour moi, Judith, d’être chamarré d’écarlate, comme un chef mingo qui vient de recevoir ses présents de Québec ? Non, non, je suis bien tel que je suis ; et sinon, je ne puis être mieux. Déposez l’habit sur la couverture, Serpent, et voyons plus avant dans la caisse.

Le séduisant habit, qui assurément n’avait jamais été destiné à Hutter, fut mis de côté, et l’inspection continua. Les vêtements d’homme, qui tous correspondaient à l’habit pour la qualité, furent bientôt examinés, et on arriva ensuite à des ajustements de femme. Une belle robe de brocart, un peu endommagée par manque de soin, fut alors examinée ; et cette fois, des exclamations de ravissement s’échappèrent librement des lèvres de Judith. La jeune fille avait un penchant prononcé pour la parure ; elle avait eu bien des occasions favorables de remarquer quelques prétentions en ce genre parmi les femmes des différents commandants et les autres dames des forts ; mais jamais elle n’avait vu avant ce moment un tissu et