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DEERSLAYER

début de sa carrière, et la gravité des circonstances dans lesquelles ils se trouvaient.

Les trois insulaires, si nous pouvons nous servir de cette expression, furent silencieux, graves et préoccupés pendant le repas du matin. Les traits de Judith annonçaient qu’elle avait passé une nuit agitée, tandis que les deux hommes songeaient aux événements impossibles à prévoir qu’ils avaient en perspective. Deerslayer et la jeune fille échangèrent quelques mots de politesse durant le déjeuner, mais sans parler en rien de leur situation. Enfin Judith, que les angoisses de son cœur, ainsi que le sentiment nouveau qui s’y était glissé, disposaient à des pensées plus douces et plus tendres, entama la conversation de manière à montrer à quel point le sujet dont elle voulait parler avait occupé son esprit pendant une nuit passée sans dormir.

— Il serait terrible, Deerslayer, s’écria-t-elle tout à coup, qu’il arrivât quelque chose de sérieux à mon père et à Hetty ! Nous ne pouvons rester tranquillement ici, et les laisser entre les mains des Iroquois, sans aviser à quelque moyen de les secourir.

— Je suis prêt à les servir, Judith, eux et tous ceux qui sont dans l’embarras, si l’on peut me dire comment je dois m’y prendre. Ce n’est pas une bagatelle que de tomber au pouvoir des Peaux-Rouges, quand on a des projets tels que ceux qui ont fait débarquer Hutter et Hurry ; je sais cela aussi bien qu’un autre. Je ne souhaiterais pas à mon plus cruel ennemi de se trouver dans une pareille passe, à plus forte raison à ceux avec qui j’ai voyagé, mangé et dormi. Avez-vous quelque plan dont vous voudriez nous voir, le Serpent et moi, tenter l’exécution ?

— Je ne vois pas d’autre moyen de délivrer les prisonniers que de gagner les Iroquois. Ils ne savent pas résister aux présents, et nous pourrions peut-être leur offrir assez pour leur persuader qu’il leur serait plus avantageux d’emporter ce qui serait pour eux des objets précieux, que d’emmener de pauvres prisonniers, si toutefois ils avaient l’intention de les emmener !

— Ce plan est assez bon, Judith ; oui, il est assez bon, si l’on peut gagner l’ennemi, et si nous trouvons de quoi le tenter. L’habitation de votre père est commode, et a été construite de la manière la plus adroite ; mais elle n’a pas l’air de regorger de l’espèce de richesses qui conviendraient pour fournir sa rançon. Il y a cette carabine qu’il nomme Killdeer[1], qui pourrait compter pour quelque

  1. Tue-Daim.