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OU LE TUEUR DE DAIMS.

nitivement l’entrevue. Possédant un esprit plus prompt, Hist fut la première à interroger. Un bras passé autour de la taille de Hetty, elle pencha la tête de manière à lever les yeux avec un enjouement malin sur le visage de sa compagne ; puis se mettant à rire, comme pour faire interpréter ses paroles par ses regards, elle parla plus intelligiblement.

— Hetty a un frère aussi bien qu’un père ? dit-elle ; pourquoi pas parler de frère aussi bien que de père ?

— Je n’ai pas de frère, Hist. J’en avais un autrefois, dit-on ; mais il est mort depuis bien des années, et il est enterré dans le lac auprès de ma mère.

— Pas de frère ? Avez un jeune guerrier ; vous l’aimez presque autant que père, eh ? Bien beau, — a l’air brave — ; digne d’être chef, si lui bon comme il semble être.

— Il est mal d’aimer aucun homme autant que j’aime mon père, et aussi j’essaie de ne pas le faire, Hist, répliqua la consciencieuse Hetty, qui ne sut comment dissimuler son émotion en prenant un détour aussi pardonnable qu’une réponse évasive, quoiqu’elle fût puissamment tentée par pudeur féminine de s’écarter de la vérité ; et pourtant je pense quelquefois que le mal triomphera en moi, si Hurry vient si souvent au lac. Je dois vous dire la vérité, chère Hist, parce que vous me la demandez ; mais je tomberais et je mourrais dans les bois s’il le savait !

— Pourquoi pas vous le demander lui-même — a l’air brave — ; pourquoi pas oser parler ? Jeune guerrier demander jeune fille ; pas faire parler jeune fille d’abord. Filles mingo en seraient honteuses.

Ceci fut dit avec indignation, et avec le généreux entraînement auquel une jeune femme passionnée se laisse aller en entendant parler de ce qu’elle regarde comme l’usurpation des privilèges les plus chers à son sexe. Cela eut peu d’influence sur l’esprit faible mais juste de Hetty, qui, malgré la susceptibilité naturelle aux femmes qui dominait toutes ses impulsions, suivait les mouvements de son propre cœur, plutôt que les usages établis pour protéger la délicatesse de son sexe.

— Me demander quoi ? s’écria Hetty avec une précipitation qui prouvait à quel point ses craintes avaient été éveillées ; me demander si je l’aime autant que j’aime mon propre père ! Oh ! j’espère qu’il ne me fera jamais une semblable question, car je serais obligée d’y répondre, et cela me tuerait !

— Non, non, pas tuer, pas tout à fait, répliqua Hist en riant