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DEERSLAYER

en fût instruit, répliqua March. Mais vous êtes jeune et inconsidéré, et je vous pardonne votre ignorance. Allons, Deerslayer, ajouta-t-il avec un sourire de bonne humeur après un moment de silence, nous nous sommes juré amitié, et nous ne nous querellerons pas pour une coquette à tête légère, parce qu’il arrive qu’elle est jolie ; d’autant plus que vous ne l’avez jamais vue. Judith ne sera jamais qu’à un homme dont les dents ont toutes leurs marques, et c’est une folie à moi de craindre une enfant. — Et que disaient d’elle les Delawares ? car, après tout, un homme rouge a ses idées sur les femmes aussi bien qu’un blanc.

— Ils disaient qu’elle était belle à voir, et que ses discours étaient agréables, mais qu’elle aimait trop à avoir des admirateurs, qu’elle avait de la légèreté dans l’esprit.

— Les démons incarnés ! Après tout, quel maître d’école est en état de faire tête à un Indien pour observer la nature ? Il y a des gens qui pensent qu’ils ne sont bons que pour suivre une piste ou pour se battre ; mais je dis, moi, que ce sont des philosophes, et qu’ils connaissent les voies d’un homme aussi bien que celles d’un castor, et les voies d’une femme aussi bien que celles de tous les deux. Ils vous ont fait le portrait de Judith jusqu’à un ruban ! Pour vous avouer la vérité, Deerslayer, il y a deux ans que je l’aurais épousée, si ce n’eût été pour deux raisons particulières, dont la première était cette légèreté d’esprit.

— Et quelle est la seconde ? demanda le chasseur, continuant à manger en homme qui prenait fort peu d’intérêt à cette conversation.

— La seconde était que je ne savais pas trop si elle voudrait de moi. La drôlesse est jolie, et elle le sait fort bien. Non, mon garçon, il n’y a pas un arbre croissant sur ces montagnes qui soit plus droit ou qui se courbe sous le vent avec plus de grâce, et vous n’avez jamais vu une biche bondir avec plus d’agilité. Si c’était là tout, toutes les bouches sonneraient ses éloges ; mais elle a des défauts sur lesquels je trouve difficile de fermer les yeux, et je jure quelquefois de ne jamais revoir ce lac.

— Et c’est pourquoi vous y revenez toujours. Jurer qu’on fera une chose, ce n’est pas un bon moyen pour être sûr de la faire.

— Ah ! Deerslayer, vous êtes une nouveauté en tout cela. Vous êtes aussi fidèle à votre éducation que si vous n’aviez jamais quitté nos établissements. Quant à moi, le cas est tout différent, et je n’ai jamais besoin de river une idée dans mon cerveau sans sentir une démangeaison de jurer que j’y tiendrai. Si vous connaissiez Judith comme je la connais, vous me trouveriez excusable de jurer un peu.