Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
OU LE TUEUR DE DAIMS.

sur sa libération par le moyen d’une rançon, avec une assurance qui pouvait, jusqu’à un certain point, expliquer leur indifférence apparente. Hutter avait déjà été une fois prisonnier des Iroquois, et il avait obtenu sa liberté pour quelques peaux. Mais cet événement, dont les deux sœurs n’étaient pas instruites, avait eu lieu dans un temps où la France et l’Angleterre étaient en paix, et où la politique des deux gouvernements était de réprimer les excès des sauvages, au lieu de les encourager.

Tandis que Judith causait ainsi avec Deerslayer d’un air presque caressant, Hetty resta pensive et silencieuse. Une fois seulement, elle s’approcha du jeune chasseur et lui fit plusieurs questions sur ses intentions et sur la manière dont il comptait les exécuter ; mais son désir de causer n’alla pas plus loin. Dès qu’il eut répondu à ses questions, — et il répondit à toutes de la manière la plus complète et la plus complaisante, — elle se retira, et se remit à travailler à un vêtement grossier qu’elle faisait pour son père, fredonnant de temps en temps un air mélancolique, et soupirant fréquemment.

Le temps s’écoula de cette manière, et quand le soleil commença à descendre derrière la frange de pins qui couvraient les montagnes occidentales, ou environ vingt minutes avant son véritable coucher, l’arche était presque à la hauteur de la pointe sur laquelle Hutter et Hurry avaient été faits prisonniers. En gouvernent d’abord vers un côté du lac et ensuite vers l’autre, Deerslayer avait voulu jeter de l’incertitude sur ses desseins, et les sauvages, qui, sans aucun doute, surveillaient tous ses mouvements, furent portés à croire qu’il voulait entrer en communication avec eux, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, et ils le suivirent partout, afin d’être prêts à profiter de toutes les circonstances favorables qu’ils pourraient trouver. Cette ruse était bien imaginée ; car la profondeur de la baie, la courbe que décrivait le lac, et le sol bas et marécageux qui intervenait, devaient probablement permettre à l’arche d’atteindre le rocher, avant que les Indiens, s’ils étaient réellement réunis près de cette pointe, eussent eu le temps de faire le circuit nécessaire pour y arriver eux-mêmes. Pour ajouter à la vraisemblance des soupçons qu’il voulait leur inspirer, Deerslayer avança vers la rive occidentale autant que la prudence le permettait. Faisant alors entrer Judith et Hetty dans la cabine, il se pencha de manière à être entièrement caché par les bords du scow, dont il tourna le cap tout à coup de manière à avancer vers le Susquehannah. Favorisée par une augmentation de vent, l’arche fit des progrès qui promettaient la réussite des plans du jeune chasseur,