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OU LE TUEUR DE DAIMS.

bois pleins de gibier, sinon vous serez traité d’une autre manière. J’ai mes idées sur tout cela, mais vous êtes trop âgé, et vous avez trop d’expérience pour avoir besoin des explications d’un homme si jeune que moi.

— Bon ! s’écria l’Indien, dont la voix conservait encore sa force, quoique sa fin approchât ; jeune tête, — vieille sagesse.

— C’est quelquefois une consolation, quand nous sommes près de notre fin, de savoir que ceux à qui nous avons nui ou voulu nuire nous pardonnent. Je suppose que la nature cherche ce soulagement pour obtenir un pardon sur la terre, car ce n’est qu’après le jugement que nous pouvons savoir si le Grand-Esprit nous a pardonné. On est plus tranquille, dans un pareil moment, quand on sait qu’on a obtenu un pardon quelconque, et j’en conclus que c’est là tout le secret. Quant à moi, je vous pardonne entièrement d’avoir voulu m’ôter la vie ; d’abord parce qu’il n’en est résulté aucun mal pour moi, ensuite parce que cela était dans vos dons, dans votre nature et dans vos habitudes, et enfin et surtout parce que je ne puis conserver de ressentiment contre un homme mourant, n’importe qu’il soit païen ou chrétien. Ainsi soyez tranquille, en tant que cela me concerne. Pour ce qui est du reste, vous savez mieux que moi ce qui doit vous inquiéter ou vous donner de la satisfaction dans un moment si délicat.

Il est probable que l’Indien avait sur l’état inconnu d’existence après la mort quelqu’une de ces lueurs terribles que Dieu, dans sa merci, semble accorder à toute la race humaine ; mais elle était probablement conforme à ses habitudes et à ses préjugés. Comme la plupart des hommes de sa race, et comme un trop grand nombre d’individus de la nôtre, il songeait plutôt à mourir de manière à obtenir les applaudissements de ceux qu’il allait quitter, qu’à s’assurer ensuite un meilleur état d’existence. Il n’avait pas très-bien compris ce que Deerslayer venait de lui dire, quoiqu’il rendît justice à ses bonnes intentions ; et quand celui-ci eut fini de parler, il éprouva le regret qu’aucun membre de sa tribu ne pût être témoin du stoïcisme avec lequel il supportait ses souffrances, et de la fermeté avec laquelle il attendait la mort. Avec cette courtoisie fière et naturelle qui distingue si souvent le guerrier indien, avant qu’il soit corrompu par un commerce trop fréquent avec la classe la plus dépravée des blancs, il s’efforça de lui exprimer ses remerciements de ses bonnes intentions, et de lui faire comprendre qu’il les appréciait.

— Bon ! répéta-t-il, car c’était un mot que tous les sauvages em-