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Il y avait, entre autres, beaucoup de moines et de prêtres, cette guerre ayant pris le caractère d’une croisade. Les curieux se pressaient surtout autour de la personne de la reine, et, dans le fait, c’était le point que la magnificence de la cour rendait le plus imposant. La plupart des religieux s’y étaient rassemblés, car ils sentaient que la piété d’Isabelle créait autour d’elle une sorte d’atmosphère morale, qui convenait particulièrement à leurs habitudes, et qui était favorable pour leur attirer de la considération. On pouvait distinguer parmi eux un moine dont la physionomie était prévenante, et qui, de fait, était de noble naissance. Plusieurs grands d’Espagne lui avaient adressé respectueusement la parole sous le nom de père Pédro, tandis qu’il s’écartait de la présence immédiate de la reine pour gagner un endroit où la circulation était plus facile. Il était accompagné d’un jeune homme qui avait l’air si supérieur à tous ceux qui n’étaient pas en selle dans cette journée, qu’il attirait l’attention générale : quoiqu’il n’eût pas plus de vingt ans, on voyait à ses muscles prononcés et à son teint brun, quoique fleuri, qu’il avait été exposé aux éléments ; et son port faisait penser que, quoiqu’il ne fût pas couvert d’une armure, dans une circonstance si particulièrement militaire, l’habitude de la guerre devait avoir été favorable à sa tournure et à la vigueur de son corps. Son costume était fort simple, comme s’il eût voulu éviter les regards, au lieu de les attirer ; et cependant il était d’un genre que les nobles seuls portaient. Plusieurs de ceux qui l’examinaient quand il se trouva dans un lieu où la foule était moins serrée, avaient vu la reine lui faire un accueil gracieux ; et elle lui avait même permis de lui baiser la main, faveur que l’étiquette pointilleuse de la cour de Castille n’accordait qu’à un mérite transcendant, ou à la noblesse la plus illustre. Quelques-uns disaient que c’était un Guzman, famille presque royale ; d’autres pensaient que ce pouvait être un Ponce, nom qui était devenu un des premiers de l’Espagne, par suite des hauts faits du marquis, duc de Cadix, dans cette guerre même ; enfin, quelques-uns prétendaient reconnaître dans son front élevé, sa démarche ferme et son œil animé, le port et la physionomie d’un Mendoza.

Il était évident que celui qui était le sujet de toutes ces conjectures ne se doutait pas de l’attention qu’attiraient ses membres vigoureux, ses beaux traits et son pas élastique ; car, comme ceux qui sont habitués à être observés par leurs inférieurs, il ne