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de départ en traversant le pays des Tartares et celui des Persans.

— D’où vous concluez que la terre est ronde et que dès lors le succès de notre voyage est assuré ?

— Cela est si vrai, señor de Muños, que je serais fâché de croire qu’il y ait un seul homme faisant voile en ce moment sous mes ordres qui ne le pensât aussi. Mais voici deux marins qui ont entendu notre entretien, et nous les questionnerons afin de connaître les opinions d’hommes habitués à la mer. — Jeune homme, n’es-tu pas le mari de la femme avec qui j’ai causé hier soir sur les sables, et ne te nommes-tu pas Pépé ?

— Señor amirante, la mémoire de Votre Excellence me fait trop d’honneur en se rappelant une figure qui ne mérite pas qu’on la remarque et qu’on s’en souvienne.

— Ta figure est honnête, l’ami, et sans doute elle répond de ton cœur. Quoi qu’il puisse arriver, je compterai sur toi comme sur un solide appui.

— Votre Excellence a le droit de me commander comme amiral de la reine ; et, à présent qu’il a pour lui Monica, il est bien sûr d’avoir aussi son mari.

— Je te remercie, brave Pépé, et je compterai certainement sur toi à l’avenir. — Et toi, camarade, tu as l’air d’un homme à qui la vue de l’eau trouble ne fera pas peur. Tu as sans doute un nom ?

— Oui, noble amiral, répondit le marin en le regardant avec cet air de liberté particulier à un homme qui ne s’intimide pas aisément ; mais ce nom ne traîne à la remorque ni un don ni un señor. Mes amis m’appellent le plus ordinairement Sancho, c’est-à-dire quand ils sont pressés ; mais lorsque le temps et la civilité le leur permettent, ils y ajoutent Mundo ; ce qui fait Sancho Mundo pour la totalité du nom d’un homme fort pauvre.

— Mundo est un grand nom pour un homme de petite taille, dit l’amiral en souriant ; car il prévoyait qu’il lui serait utile d’avoir des amis dans son équipage, et il connaissait assez les hommes pour savoir que, si trop de familiarité nuit au respect, un peu de cordialité tend à gagner les cœurs ; je suis surpris que tu te hasardes à porter un nom si imposant[1].

— Je dis à mes camarades, Votre Excellence, que Mundo est mon titre, et non mon nom, et que je suis plus grand que les

  1. Mundo, en espagnol, signifie le monde.