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dans la forêt. Là, il me semble que je suis face à face avec mon maître ; tout ce qui m’entoure est frais et pur comme sortant de ses mains, et il n’y a ni formes ni doctrines qui viennent glacer le cœur. Non, non ; les bois sont le véritable temple après tout, car là les pensées prennent des ailes, et peuvent s’élever même au-dessus des nuages.

— Vous dites la vérité, Pathfinder, — dit Cap, — et c’est une vérité que connaissent tous ceux qui vivent beaucoup dans la solitude. Par exemple, pourquoi les marins sont-ils, en général, si religieux et si consciencieux dans tout ce qu’ils font, si ce n’est parce qu’ils sont si souvent seuls avec la Providence, et qu’ils ont si peu de rapports avec les iniquités qui se passent sur terre ? Bien des fois j’ai fait mon quart, tantôt sous l’équateur, tantôt dans l’océan méridional, quand les nuits sont éclairées par les feux célestes, et je puis vous dire, mes amis, que c’est le moment qui fait songer un homme à faire ses relèvements en ce qui concerne sa conscience. Bien des fois, en pareilles circonstances, j’ai mis des enfléchures à la mienne au point que ses haubans et ses vides en craquaient. Je conviens donc avec vous que si l’on veut trouver un homme vraiment religieux, il faut le chercher sur la mer ou dans les bois.

— Je croyais, mon oncle, qu’en général on ne supposait pas aux marins beaucoup de respect pour la religion.

— C’est une infernale calomnie, ma nièce. Demandez à un marin quelle est sa véritable opinion privée de vos hommes de terre, prédicateurs et autres, et vous apprendrez de lui l’autre côté de la question. Je ne connais aucune chose qui ait été aussi calomniée que les marins à cet égard ; et tout cela parce qu’ils ne restent pas à terre pour se défendre et payer le clergé. Peut-être ne sont-ils pas aussi forts sur la doctrine que quelques hommes de terre ; mais quant à tout ce qui est l’essentiel du christianisme, le marin bat l’homme de terre haut la main.

— Je ne réponds pas de tout cela, maître Cap, — répliqua Pathfinder, — mais j’ose dire qu’il peut s’y trouver quelque chose de vrai. Je n’ai besoin ni du tonnerre ni des éclairs pour me rappeler mon Dieu ; et je ne suis jamais si disposé, dans mes troubles et mes tribulations, à penser à toutes ses boutés, que par un jour calme, solennel et tranquille dans la forêt, où sa voix se fait entendre à mes oreilles dans le craquement d’une branche morte ou dans le chant d’un oiseau, aussi bien qu’on l’a