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LE LAC ONTARIO.

taires du sol, c’est-à-dire étaient Indiens et appartenaient à la tribu bien connue des Tuscaroras. Leurs compagnons étaient un homme que tout son extérieur annonçait comme ayant passé sa vie sur l’océan, et dans un rang peu élevé au-dessus de celui de simple matelot, et une fille qui ne paraissait pas d’une classe fort supérieure à la sienne, quoique sa jeunesse, la douceur de sa physionomie, et un air modeste, mais animé, lui prêtassent ce caractère d’intelligence et d’esprit qui ajoute tant de charmes à la beauté. En cette occasion son grand œil bleu réfléchissait le sentiment de sublimité que cette scène faisait naître en elle, et ses traits aimables offraient cette expression pensive que toutes les fortes émotions, même quand elles causent le plaisir le plus agréable, impriment sur la physionomie des êtres ingénus et réfléchis.

Et véritablement cette scène était de nature à faire une impression profonde sur l’esprit de quiconque en aurait été spectateur. Vers l’ouest, — et c’était de ce côté, le seul où l’on pût découvrir quelque chose, que nos quatre voyageurs avaient le visage tourné, — l’œil dominait sur un océan de feuilles riches et glorieuses de la verdure vive et variée d’une vigoureuse végétation, et nuancées de toutes les teintes qui appartiennent au 42e degré de latitude septentrionale. L’orme avec sa cime pleine de grâce, les belles variétés de l’érable, la plupart des nobles espèces de chênes des forêts d’Amérique, le tilleul à larges feuilles, entremêlaient leurs branches supérieures, et formaient un large tapis de feuillage en apparence interminable, qui s’étendait vers le soleil couchant et qui bornait l’horizon en se confondant avec les nuages, comme les vagues et le firmament semblent se joindre à la base de la voûte du ciel. Çà et là, par quelque accident des tempêtes, ou par un caprice de la nature, une petite clairière au milieu des géants de la forêt permettait à un arbre de classe inférieure de monter vers le ciel, et d’élever sa tête modeste presque au niveau de la surface de verdure qui l’entourait. De ce nombre étaient le bouleau, arbre qui n’est pas méprisé dans des contrées moins favorisées, le tremble à feuilles agitées, différentes espèces de noyers, et plusieurs autres, qui ressemblaient au vulgaire ignoble, jeté par les circonstances en présence des grands de la terre. Çà et là aussi, le tronc droit et élevé du pin perçait la vaste voûte, et surgissait bien au-dessus, comme un grand monument élevé par l’art sur une plaine de feuilles.