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cieux, et la longue percée formée par le cours de la rivière, retentirent de cris si terribles que Mabel baissa la tête d’épouvante, et que son oncle pensa un instant à prendre la fuite.

— Cela surpasse tout ce que j’ai déjà entendu dire de ces misérables, — dit Jasper en se bouchant les oreilles d’horreur et de dégoût.

— C’est leur musique, — Eau-Douce, — répondit Pathfinder sans la moindre émotion. — Cela leur tient lieu de tambours et de fifres, de trompettes et de clairons ; ils aiment de pareils sons, car ils excitent en eux la férocité et la soif du sang. Ils me paraissaient horribles dans ma première jeunesse, mais à présent ils sont pour mes oreilles comme le chant d’un oiseau. Les cris de tous ces reptiles, fussent-ils assez nombreux pour couvrir tout le terrain entre la cataracte et la garnison, ne feraient pas aujourd’hui la moindre impression sur mes nerfs. Je ne le dis pas pour me vanter, Jasper, car celui qui laisse entrer la lâcheté par ses oreilles, doit avoir le cœur bien faible, pour ne rien dire de plus, les cris et le bruit étant faits pour alarmer les femmes et les enfants, plutôt que les hommes qui chassent dans la forêt et qui font face à leurs ennemis. — J’espère que le Grand-Serpent est satisfait à présent, car le voici qui revient avec la chevelure pendue à sa ceinture.

Jasper détourne la tête avec dégoût, tandis que le Mohican sortait de l’eau ; mais Pathfinder regarda son ami en homme qui avait pris le parti de voir avec une indifférence philosophique les choses qui étaient sans importance. Tandis que le Delaware s’enfonçait dans les buissons pour tordre le peu de vêtements qu’il portait, et en faire sortir l’eau, et pour mettre son mousquet en état de lui rendre de nouveaux services, il jeta un regard de triomphe sur ses compagnons, et tout signe d’émotion causée par ce dernier exploit disparut de sa physionomie.

— Jasper, — reprit Pathfinder, — allez trouver maître Cap et priez-le de venir se joindre à nous. Nous avons peu de temps pour tenir conseil, et il faut que nous arrêtions un plan à la hâte ; car ces Mingos ne tarderont pas à chercher les moyens de nous assaillir.

Le jeune homme partit, et quelques minutes après ils étaient tous quatre réunis près du rivage, mais bien cachés à leurs ennemis, quoiqu’ils pussent eux-mêmes les surveiller, afin de régler leur propre conduite d’après les mouvements des Iroquois.