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LE LAC ONTARIO.

ils marchaient dans l’eau en descendant la rivière, ils se tenaient nécessairement près des buissons, et nos voyageurs s’aperçurent bientôt, au bruit des broussailles et des branches, qu’une autre troupe d’Indiens côtoyait le rivage derrière eux, en marchant du même pas que les trois premiers. La distance qui existait entre les branches enfoncées dans la boue et le véritable rivage fit que les deux groupes de sauvages purent se voir quand ils furent en face des fugitifs. Ils s’arrêtèrent en même temps, et commencèrent une conversation qui passait en quelque sorte sur la tête de nos amis, qui n’étaient cachés que par des branches et des feuilles qu’un vent un peu fort aurait écartées, ce qui les aurait infailliblement découverts. Heureusement la ligne de vision des deux troupes de sauvages, l’une dans l’eau, l’autre sur un rivage élevé, portait leurs yeux au-dessus des buissons naturels et factices, dont les feuilles se mêlaient de manière à ne donner aucun soupçon. La hardiesse de cet expédient fut peut-être même ce qui les empêcha d’être découverts à l’instant. La conversation qui eut lieu entre les Indiens fut animée, mais ils parlaient avec précaution, comme s’ils eussent craint qu’on ne pût les entendre. Ils parlaient un dialecte que Pathfinder et ses deux compagnons entendaient, et Jasper lui-même en comprit une bonne partie.

— L’eau a effacé leurs traces, — dit un de ceux qui étaient dans la rivière ; — et il se trouvait si près du buisson artificiel, qu’il aurait pu être percé par la fouine[1], qui était au fond de la pirogue de Jasper. — L’eau l’a si bien effacée, qu’un chien yengheese ne pourrait la suivre.

— Les faces-pâles ont quitté le rivage dans leurs pirogues, dit un de ceux qui étaient sur la terre.

— Impossible. Les mousquets de nos guerriers, qui sont plus bas, ne manquent pas leur coup.

Pathfinder jeta un regard expressif sur Jasper, et serra les dents pour étouffer le léger bruit de sa respiration.

— Que mes jeunes gens regardent comme s’ils avaient des yeux d’aigle, — dit un vieux guerrier du nombre de ceux qui marchaient dans l’eau. — Nous avons passé une lune entière sur le chemin de la guerre, et nous n’avons gagné qu’une seule cheve-

  1. On appelle fouine l’instrument avec lequel on prend les thons et autres poissons de cette espèce ; on a encore le harpon pour de plus petits poissons, la lance pour les phoques.