Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
LE LAC ONTARIO.

debout dans le canot, le corps penché en avant, un doigt sur les lèvres, les yeux fixés sur une ouverture entre les branches, et tenant d’une main une ligne à pêcher, du bout de laquelle elle avait légèrement touché l’épaule de Pathfinder. Celui-ci baissa la tête devant une autre percée qu’il s’était ménagée, et dit ensuite à demi-voix à Jasper :

— Les maudits Mingos ! — À vos armes, mes amis, mais soyez immobiles comme des troncs d’arbres morts.

Jasper s’avança rapidement, mais sans bruit, vers la pirogue et employa une douce violence, pour obliger Mabel à se placer dans une attitude qui lui cachait tout le corps, quoiqu’il eût plus difficilement réussi s’il eût voulu lui faire baisser la tête de manière à ce qu’elle ne pût suivre les mouvements de leurs ennemis. Il prit alors son poste près d’elle, arma son fusil, et se tint prêt à faire feu. Arrowhead et Chingashgook s’approchèrent des buissons en rampant comme des serpents, et prêts à se servir de leurs armes ; tandis que la femme du premier baissa la tête sur ses genoux, la couvrit de sa robe de calicot, et resta ainsi passive et immobile. Cap tira ses pistolets de sa ceinture, en ayant l’air de ne pas trop savoir ce qu’il avait à faire. Pathfinder ne fit pas un mouvement. Dès le commencement, il avait pris une position favorable tant pour faire feu sur les ennemis que pour les surveiller, et il avait trop de fermeté pour que le cœur ou la main lui manquât dans un moment si critique.

L’instant était vraiment alarmant. Quand Mabel avait touché l’épaule de son guide, trois Iroquois venaient de se montrer, marchant dans la rivière, à environ cent toises de nos voyageurs, et ils s’étaient arrêtés pour reconnaître les environs. Tous étaient nus jusqu’à la ceinture, et avaient le corps chamarré des couleurs qui annonçaient une expédition guerrière. Il était évident qu’ils étaient indécis sur la marche qu’ils devaient suivre pour trouver les fugitifs. Ils semblaient vouloir, l’un descendre la rivière, l’antre la remonter, et le troisième montrait la rive opposée. En un mot, ils doutaient encore de ce qu’ils devaient faire.