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connue que des gens très-savants, nous la traduirons librement, conservant autant que possible le ton de chaque interlocuteur.

Rosée-de-Juin était assise sur une pierre qui avait été tirée de l’excavation faite pour la tombe, ses cheveux couvraient son visage ; elle était penchée sur l’espace qui contenait le corps d’Arrowhead, ne s’apercevant point qu’il y avait quelqu’un près d’elle. Elle se croyait seule dans l’île, et les mocassins du guide avaient fait trop peu de bruit pour la détromper.

Pathfinder regarda la jeune femme quelques minutes avec une attention muette. La contemplation de sa douleur, le souvenir de sa perte irréparable et les signes de son désespoir eurent une influence salutaire sur ses propres sentiments. Sa raison lui dit combien les sources de la douleur étaient plus profondes dans une jeune femme violemment et subitement privée de son mari, que dans lui-même.

— Rosée-de-Juin, — dit-il avec solennité, mais d’un ton qui prouvait la force de sa compassion, — vous n’êtes pas seule dans votre chagrin. Tournez-vous, et que vos yeux se reposent sur un ami.

— Rosée-de-Juin n’a plus d’ami, — répondit la jeune Indienne. — Arrowhead est parti pour les terres heureuses de la chasse, et personne n’est resté pour prendre soin de sa veuve. Les Tascaroras la chasseraient de leurs wigwams ; les Iroquois sont haïssables à ses yeux, et elle ne pourrait les regarder. Non, laissez Rosée-de-Juin mourir de faim sur la tombe de son mari.

— Cela ne sera pas, cela ne sera pas ; c’est contre la raison et la justice. Vous croyez au Manitou, Rosée-de-Juin ?

— Il a caché sa face à Rosée-de-Juin, parce qu’il est en colère. Il l’a laissée seule pour mourir.

— Rosée-de-Juin, écoutez un homme qui a une longue connaissance de la nature des peaux-rouges, quoiqu’il soit lui-même une face pâle, et qu’il ait la nature des blancs. Lorsque le manitou d’une face pâle veut produire du bien dans son cœur, il le frappe de chagrin, car c’est dans nos douleurs que nous jetons un regard plus pénétrant en nous-mêmes et que nous comprenons mieux nos devoirs. Le Grand-Esprit vous veut du bien, c’est pourquoi il a appelé à lui le chef, afin que vous ne soyez pas conduite dans une fausse route par sa langue astucieuse, et que vous ne deveniez pas une Mingo par caractère comme vous l’étiez par la compagnie dans laquelle vous vous trouviez.