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ment les mêmes. Jasper dit que les siens doivent être les plus forts ; mais c’est ce que je ne puis dire en bonne conscience, car il ne me semble pas que cela puisse être vrai, sans quoi je l’avouerais franchement, librement. Ainsi, sur ce point, Mabel, nous sommes ici devant vous sur le même pied. Quant à moi, étant le plus âgé, je dirai d’abord le peu qu’il y a à dire, soit en ma faveur, soit contre moi. Comme chasseur, je crois qu’il n’y a personne sur les frontières qui puisse me surpasser. Si jamais la venaison, la chair d’ours, ou même les oiseaux et les poissons devenaient rares dans notre cabane, ce serait plutôt la faute de la nature et de la Providence que la mienne. Enfin il me semble que la femme qui devra compter sur moi ne court pas grand risque de manquer jamais de nourriture. Mais je suis terriblement ignorant ! Il est vrai que je parle plusieurs langues, quelles qu’elles soient, mais je ne suis pas bien savant dans la mienne. Mes années sont bien plus nombreuses que les vôtres, Mabel, et mon amitié de si longue date avec votre père ne peut pas être un grand mérite à vos yeux. Je voudrais aussi avoir une figure plus avenante ; mais nous sommes tous ce que la nature nous a faits, et la dernière chose dont un homme doive se plaindre, excepté dans des occasions particulières, c’est de son physique. Tout cela passé en revue, l’âge, la tournure, le savoir, les habitudes, Mabel, ma conscience me force d’avouer que je ne suis pas un mari convenable pour vous, pour ne pas dire que j’en suis indigne, et j’abandonnerais toute espérance à l’instant même si je ne sentais pas dans mon cœur quelque chose qu’il me semble difficile d’en arracher.

— Pathfinder ! noble, généreux Pathfinder ! s’écria notre héroïne en saisissant la main du guide et la baisant avec un saint respect ; vous ne vous rendez pas justice, vous oubliez mon pauvre père et vos promesses, vous ne me connaissez pas.

— D’un autre côté voici Jasper, — continua le guide, sans permettre que les caresses de la jeune fille le détournassent de son dessein. — Avec lui le cas est différent. Pour l’amour et les provisions, il n’y a pas beaucoup à choisir entre nous, car le jeune homme est sobre, plein d’industrie et soigneux, et puis c’est tout-à-fait un savant, il connaît la langue des Français, il a lu bien des livres, et quelques-uns que je sais que vous aimez à lire ; il peut vous comprendre en tout temps, et c’est peut-être plus que je n’en pourrais dire de moi.