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comme rien ; — je vous quitte, mon enfant ; votre main, où est-elle ?

— Ici, mon père, les voici toutes deux, oh ! pressez-les toutes deux !

— Pathfinder, — ajouta le sergent, en tâtant sur l’autre côté du lit où Jasper était encore à genoux, et prenant par erreur une des mains du jeune homme, — prenez-la ; je vous laisse comme son père, comme ce qu’il vous plaira à l’un et à l’autre. Je vous bénis, je vous bénis tous deux !

Nul ne voulut, dans cet instant redoutable, avertir le sergent de sa méprise, et il mourut une ou deux minutes après en tenant les mains de Mabel et de Jasper entre les siennes. Notre héroïne l’ignora jusqu’au moment où une exclamation de Cap lui apprit la mort de son père. Relevant alors la tête, elle vit les yeux de Jasper fixés sur elle, et elle sentit le pression de sa main brûlante ; mais un seul sentiment dominait en cet instant, et Mabel se retira pour pleurer, sachant à peine ce qui était arrivé. Pathfinder prit le bras d’Eau-douce et sortit du fort.

Les deux amis passèrent près du feu, traversèrent la clairière et arrivèrent près de la côte opposée de l’île sans avoir rompu le silence ; là ils s’arrêtèrent et Pathfinder parla.

— Tout est fini, Jasper, — dit-il, — tout est fini ; hélas ! le pauvre sergent Dunham a terminé son voyage, et par la main d’un reptile de Mingo ! Nous ne savons jamais ce qui doit nous arriver, et un sort semblable nous attend peut-être vous ou moi aujourd’hui ou demain.

— Et Mabel ! que va devenir Mabel, Pathfinder ?

— Vous avez entendu les dernières paroles du sergent, il m’a confié son enfant, Jasper ; c’est un dépôt solennel, oui, très solennel.

— C’est un dépôt, Pathfinder, dont tout homme vous déchargerait avec joie, — reprit le jeune marin avec un sourire amer.

— J’ai souvent pensé qu’il était tombé en de mauvaises mains. Je n’ai pas d’amour-propre, Jasper, je n’en ai pas ; je ne crois pas en avoir ; mais si Mabel Dunham veut me pardonner mon ignorance et toutes mes imperfections, j’aurais tort de m’y opposer, par suite de la certitude que je puis avoir moi-même de mon peu de mérite.

— Nul ne vous blâmera, Pathfinder, d’épouser Mabel Dum-