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rien à répondre. Pathfinder priait tous les jours, sinon à toutes heures, mais c’était intérieurement, c’était dans la simplicité de son cœur et sans le secours d’aucune parole. Il fut réduit au silence aussi bien que le vieux marin. Quant à Jasper Eau-douce, quoiqu’il eût entrepris avec joie de soulever une montagne pour soulager Mabel, ce qu’on lui demandait excédait son pouvoir, et il se retira avec l’espèce de honte que les êtres jeunes et vigoureux sont portés à ressentir quand on les appelle à faire ce qui les force à un aveu tacite de leur faiblesse réelle et de leur dépendance d’un pouvoir supérieur.

— Mon père, — dit Mabel essayant ses yeux, et s’efforçant de calmer l’émotion qui la faisait pâlir et trembler, — je prierai avec vous, pour vous, pour moi-même, pour nous tous ; la voix la plus faible et la plus humble ne s’élève jamais sans être entendue.

Il y avait quelque chose de sublime aussi bien que de touchant dans cet acte de piété filiale. Le calme et cependant la ferveur avec laquelle cette jeune fille se prépara à remplir ce pieux devoir, l’abnégation d’elle-même qui lui faisait oublier la timide réserve de son sexe, pour soutenir son père dans ce moment d’épreuve, l’élévation d’âme qui lui faisait diriger toutes ses facultés vers le but solennel qu’elle se proposait avec le dévouement et la supériorité d’une femme lorsque ses affections l’exigent, et la sainte résignation qui réprimait sa douleur, la rendirent en ce moment l’objet du respect et de la vénération de ceux qui l’entouraient.

Mabel avait reçu une éducation religieuse et raisonnable, également exempte d’exagération et de présomption. Sa confiance en Dieu était pleine de calme et d’espérance, en même temps quelle était de la nature la plus humble et la plus soumise. Elle avait été habituée dès l’enfance à prier, se conformant au divin précepte du Christ lui-même, qui ordonne à ses disciples de s’abstenir de vaines répétitions, et qui a laissé une prière sans égale par sa sublimité et sa précision, comme pour condamner expressément le penchant de l’homme à offrir ses pensées décousues et errantes comme l’holocauste le plus agréable à la Divinité. La secte à laquelle elle appartenait a fourni quelques-uns des plus beaux modèles qu’on puisse citer pour soutenir et guider l’esprit humain dans ses rapports avec le ciel. Accoutumée à ce mode de prière publique et même privée, l’âme de notre hé-