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l’inquiétude pèsent sur son cœur ; car, quelle que soit la variété de nos croyances, qu’elles s’appuient sur la médiation du Christ, sur les dogmes de Mahomet, ou sur les allégories ingénieuses de l’Orient, il est une conviction commune à tous les hommes, que la mort n’est qu’un passage entre ce monde et un état d’existence plus élevé. Le sergent Dunham était brave, mais il partait pour une contrée où le courage lui serait inutile ; et à mesure qu’il sentait la vie lui échapper peu à peu, ses pensées et ses sentiments prenaient la direction naturelle. S’il est vrai que la mort soit le grand niveleur, elle ne mérite jamais mieux ce nom que lorsqu’elle réduit sous le même point de vue toutes les vanités de la terre.

Pathfinder, quoique ayant des habitudes et des opinions assez singulières, était toujours pensif, et disposé à voir ce qui l’entourait avec une teinte de philosophie, et à en tirer des conclusions sérieuses. La scène qui se passait dans le fort ne pouvait donc éveiller en lui aucune sensation nouvelle. Il n’en était pas ainsi de Cap : inculte, entêté, dogmatique et violent, le vieux marin était peu accoutumé à considérer la mort même avec la gravité que son importance réclame ; et malgré tout ce qui s’était passé, et son affection réelle pour son beau-frère, il entra dans la chambre du mourant sous l’influence de cette insensibilité insouciante, fruit d’un long séjour dans une école ou l’on reçoit tant de leçons des plus sublimes vérités, mais où elles sont, en général, prodiguées à des écoliers peu disposés à en profiter.

Ce fut en commençant la narration des faits qui avaient causé la mort de Muir et d’Arrowhead, que Cap montra d’abord qu’il n’entrait pas aussi complètement que ceux qui l’entouraient dans la solennité du moment. — Tous deux ont levé l’ancre en un instant, frère Dunham, — dit-il en finissant ; et vous avez la consolation de savoir que d’autres vous ont précédé dans le grand voyage, et des hommes que vous n’avez pas de motifs très-particuliers pour aimer, ce qui, si j’étais à votre place, serait pour moi une source de grande satisfaction. Ma mère m’a toujours dit, maître Pathfinder, qu’il ne fallait pas attendrir l’âme des mourants, mais au contraire la fortifier par tous les moyens possibles ; et cette nouvelle donnera à notre pauvre camarade un grand soulagement s’il sent à l’égard de ces sauvages ce que je sens moi-même.

À ces mots, Rosée-de Juin se leva et sortit du fort sans qu’on