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LE LAC ONTARIO.

couler autour de lui. — Les trente ans dont vous parlez passent rarement pour un avantage aux yeux des filles de dix-neuf ans.

Mabel rougit, et en détournant la tête pour éviter les regards de ceux qui étaient sur l’avant, elle rencontra les yeux admirateurs du jeune homme qui était sur l’arrière, et pour dernière ressource elle baissa les siens sur l’eau qui coulait près d’elle. Précisément en cet instant un bruit sourd arriva par une avenue formée par les arbres, porté par un vent léger qui rida à peine la surface de la rivière.

— Ce son a quelque chose d’agréable, — dit Cap, en dressant les oreilles comme un chien qui entend aboyer dans le lointain ; — c’est le bruit du ressac sur les côtes de votre lac, je suppose ?

— Non, non, — répondit Pathfinder, — c’est seulement la rivière qui tombe par-dessus quelques rochers à un demi-mille plus loin.

— Y a-t-il une cataracte sur cette rivière ? — demanda Mabel, ses joues devenant encore plus vermeilles.

— Du diable ! — s’écria Cap, — monsieur Pathfinder, ou vous monsieur Eau-douce, — car il commençait à nommer ainsi Jasper pour paraître se prêter plus cordialement aux usages des frontières, — ne feriez-vous pas mieux de vous rapprocher du rivage ? Ces cataractes sont en général précédées de tournants. Autant vaudrait se jeter tout-à-coup dans le Maelstrom [1] que de s’exposer à ces pompes aspirantes.

— Fiez-vous à nous, ami Cap, fiez-vous à nous, — répondit Pathfinder ; — il est vrai que nous ne sommes que des marins d’eau douce, et je ne puis même me vanter d’en être un du premier ordre ; mais nous connaissons les rifts et les cataractes ; et en descendant celle-ci, nous tâcherons de ne pas faire tort à notre réputation.

— En la descendant ! — s’écria Gap. — Comment diable ! songez-vous à descendre une cataracte dans cette coquille d’œuf ?

— Bien certainement. Le chemin est par-dessus la cataracte, et il est bien plus facile de la descendre, que de décharger le canot et de le transporter à la main avec tout ce qu’il contient par un portage d’un mille.

Mabel pâlit, et se tourna vers le jeune marin debout sur l’ar-

  1. Tournant extraordinaire et dangereux sur la côte de Norwége. (Note du traducteur.)