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coupée, raconta brièvement ce qui avait en lieu depuis qu’il s’était séparé de Pathfinder et du Delaware. Le vent était devenu plus favorable ; et au lieu de camper dans une île, comme cela était convenu d’abord, il s’était déterminé à continuer son chemin, et à rentrer dans le fort cette nuit même. Il croyait qu’ils auraient pu arriver sans être aperçus, et éviter une partie de leurs désastres, s’ils n’avaient pas touché la pointe d’une île voisine, ou sans aucun doute le bruit fait par les gens en sortant du bateau avait donné avis de leur approche et préparé l’ennemi à les recevoir. Ils avaient pris terre sans le moindre soupçon de danger, quoique surpris de ne pas trouver de sentinelles, et laissé leurs armes dans le bateau, dans l’intention de mettre d’abord en sûreté leurs havresacs et leurs provisions. Les ennemis firent une décharge de si près, que, malgré l’obscurité, presque chaque coup fut mortel. Tous les soldats tombèrent, deux ou trois se relevèrent et disparurent. Quatre ou cinq soldats furent tués, ou ne survécurent que peu de minutes. Par des raisons inconnues l’ennemi ne se précipita pas comme d’habitude pour enlever les chevelures. Le sergent Dunham tomba comme les autres, et il entendit la voix de Mabel lorsqu’elle sortit précipitamment du fort. Cet appel déchirant éveilla toute son affection paternelle et lui donna la force de se traîner jusqu’à la porte du bâtiment où il s’appuya comme nous l’avons déjà rapporté.

Cette simple explication terminée, le sergent devint si faible que le repos lui fut nécessaire, et ses compagnons, tout en veillant à ses besoins, gardèrent quelque temps le silence. Pathfinder saisit cette occasion pour faire une reconnaissance à travers les meurtrières et sur le toit. Il examina la condition des fusils dont il y avait une douzaine dans le bâtiment, les soldats ayant pris leurs mousquets du régiment pour l’expédition. Mais Mabel ne quitta pas un instant les côtés de son père, et lorsqu’à sa respiration elle crut s’apercevoir qu’il dormait, elle se mit à genoux et pria Dieu.

La demi-heure qui suivit fut effrayante, solennelle et calme. Ce calme n’était troublé que par le bruit que faisait sur le plancher de la chambre au-dessus le mocassin de Pathfinder et de temps en temps la crosse d’un fusil qui tombait lourdement sur le plancher, car le guide examinait les armes en détail afin de s’assurer si elles étaient chargées et amorcées. Lorsque ce bruit cessait, il n’en existait pas d’autre que celui de la respiration du