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— Mais de quel usage serait une carabine, lorsque personne ne se montre ?

Au même instant l’œil perçant de Pathfinder, qui n’avait point cessé de pénétrer à travers l’obscurité, aperçut indistinctement la forme noire de cinq ou six hommes rampant et essayant de le dépasser, dans l’intention probable de lui couper la retraite vers le fort. Soulevant Mabel qu’il avait toujours tenue jusque là d’une main ferme, il la prit dans ses bras comme un enfant ; et déployant toute sa vigueur, il parvint à atteindre le fort. Il entendait à quelques pas derrière lui les sauvages qui le poursuivaient. Laissant glisser son fardeau à l’entrée du bâtiment, il se retourna avec promptitude, ferma la porte ; il venait de mettre en place une des barres, au moment même où les Indiens, se précipitant sur la porte, menaçaient de l’arracher de ses gonds. Assujettir les autres barres fut l’affaire d’un instant. Mabel monta au premier étage, tandis que Pathfinder faisait sentinelle en bas. Notre héroïne était dans cet état où le corps agit sans être guidé par la pensée. Elle ralluma machinalement la chandelle, parce que son compagnon l’en avait priée, et elle descendit dans la pièce où il l’attendait. Aussitôt que Pathfinder fut en possession de la lumière, il examina soigneusement les lieux, afin de s’assurer que personne n’était caché dans le fort, montant successivement à chaque étage, lorsqu’il était bien certain qu’il ne laissait point d’ennemi derrière lui.

Il se convainquit que le fort ne contenait plus que Mabel et lui, Rosée-de-Juin s’étant échappée. Ce point matériel éclairci, Pathfinder rejoignit notre héroïne dans la pièce principale, et posant la lumière à terre, il examina l’amorce de sa carabine avant de s’asseoir.

— Nos craintes les plus affreuses sont réalisées ! — dit Mabel qui pensait que l’horreur et l’agitation des cinq minutes qui venaient de s’écouler contenaient les émotions de toute une vie. Mon père bien-aimé est mort ou captif ainsi que tous ses compagnons

— Nous n’en savons rien encore, le jour nous l’apprendra. Je ne crois pas que l’affaire se soit terminée comme cela, nous aurions entendu ces vagabonds de Mingos hurler leur triomphe autour du fort. Nous pouvons être certains d’une chose : si les ennemis ont réellement eu l’avantage, ils n’attendront pas long-temps avant de nous sommer de nous rendre. La squaw les aura mis