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LE LAC ONTARIO.

tre à une épreuve trop forte, car étant large et à fond plat, elle ne calait pas beaucoup plus. Elle était bien construite, les bois en étaient petits et assujettis par des courroies, et la pirogue, quoique si légère et si peu sûre à l’œil, était probablement en état de porter deux fois autant de monde qu’elle en avait en ce moment.

Cap était assis sur un banc bas au centre du canot. Le Grand-Serpent était à genoux près de lui. Arrowhead et sa femme occupaient des places en avant d’eux, le premier ayant abandonné son poste à l’arrière. Mabel était à demi couchée sur une partie de son bagage derrière son oncle, tandis que Pathfinder et Eau-douce se tenaient debout, l’un sur l’avant, l’autre sur l’arrière, chacun ayant en main une rame qu’il savait manier sans bruit. La conversation avait lieu à voix basse, car tous commençaient à sentir la nécessité de la prudence en s’approchant du fort et quand ils n’étaient plus cachés par les bois.

L’Oswego, en cet endroit, était une rivière peu large mais profonde, et son courant sombre était bordé par de grands arbres dont la cime le couvrait et qui, en certains endroits, interceptaient presque la lumière du ciel. Çà et là quelque géant de la forêt s’était courbé presque horizontalement sur la rivière, ce qui rendait beaucoup de soin nécessaire pour éviter d’en toucher les branches, tandis que les branches inférieures des arbustes et des petits arbres étaient presque partout plongées dans l’eau. Le tableau qui a été si bien tracé par notre admirable poète, et que nous avons placé comme épigraphe en tête de ce chapitre, se réalisait en cet endroit. La terre engraissée par les débris de la végétation, la rivière qui remplissait ses rives presque à déborder, le dôme vert de bois sans limites, se présentaient à l’œil aussi visiblement que la plume de Bryant les retrace à l’imagination. C’était le spectacle d’une nature riche et bienveillante avant qu’elle eût été soumise aux désirs et aux besoins de l’homme, abondante, pleine de promesses et n’étant pas dénuée du charme du pittoresque, même dans son état le plus sauvage. On se rappellera que la scène de cette histoire se passe en 175-, c’est-à-dire, longtemps avant que la spéculation eût fait entrer aucune des parties occidentales de New-York dans les bornes de la civilisation ou dans les projets des aventuriers. À cette époque reculée, il y avait deux grands canaux de communication militaire entre la portion habitée de la colonie de New--