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temporaire, était sincère. Il possédait un wigwam, il est vrai, mais il l’habitait rarement. Feignant d’aimer les Anglais, il avait passé l’été à leur service en apparence, tandis qu’en réalité il servait les Français. Sa femme l’accompagnait dans ses nombreuses excursions, la plupart des distances étant franchies en pirogue. Bref, sa présence n’était pas un mystère, son mari voyageant peu sans elle. Tout cela encouragea Mabel à désirer que son amie sortît du fort pour s’assurer du destin de son oncle ; et il fut bientôt convenu entre elles que l’Indienne profiterait du premier moment favorable pour quitter le fort.

Elles examinèrent d’abord l’île par les différentes meurtrières aussi bien que leur position le permettait, et elles virent que les vainqueurs ayant pillé les huttes, s’occupaient des préparatifs d’un festin. Quoique le fort renfermât la plus grande partie des provisions, les Indiens avaient trouvé une récompense suffisante pour une attaque qui les avait exposés à si peu de péril. Les corps morts étaient déjà enlevés, et Mabel vit que leurs armes étaient réunies auprès du lieu choisi pour le banquet. Rosée-de-Juin comprit, par quelques indices à elle connus, que les cadavres avaient été transportés dans le bois pour être enterrés ou dérobés aux regards. On n’avait cependant dérangé aucun des objets les plus remarquables, le désir des sauvages étant d’attirer le sergent et sa troupe dans une embuscade à leur retour. L’Indienne fit observer à sa compagne un homme monté sur un arbre et étant aux aguets, ainsi qu’elle le disait, afin qu’aucune barque ne pût approcher de l’île sans qu’on en fût averti ; bien que le départ de l’expédition étant si récent, un événement inattendu pût seul la ramener si tôt. Rien ne faisait présumer l’intention d’une attaque immédiate contre le fort ; mais, suivant Rosée-de-Juin, tout indiquait le projet de le tenir assiégé jusqu’à l’arrivée du détachement, de peur que les traces d’un assaut ne fussent remarquées par un œil aussi exercé que celui de Pathfinder. Le bateau, cependant, avait été mis en sûreté et caché dans les buissons à côté des pirogues des Indiens.

Rosée-de-Juin annonça alors l’intention de quitter le fort, le moment lui paraissant propice. Mabel sentit encore quelque méfiance tandis qu’elles descendaient ; mais au même instant elle rougit de ce sentiment qui lui sembla aussi injuste pour sa compagne qu’indigne d’elle-même, et elle n’avait pas encore atteint le dernier échelon que sa confiance était revenue. On procéda à