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— Mais si l’ennemi arrive réellement, — demanda Mabel avec plus d’intérêt qu’elle n’en aurait montré si elle ne se fût rappelé la femme qu’elle avait laissée dans sa halte, — quel parti prendrons-nous ?

— Mon avis serait, aimable Mabel, d’essayer d’accomplir ce qui a rendu Xénophon si justement célèbre.

— Il me semble qu’il s’agit d’une retraite, si je devine bien l’allusion.

— C’est le bon sens dont vous êtes douée, jeune dame, qui vous a fait comprendre ma pensée. Je sais que votre digne père a donné au caporal certaines instructions à l’aide desquelles il s’imagine que l’île pourrait être défendue en cas d’attaque ; mais l’excellent sergent, bien qu’il soit aussi ferme à son poste qu’aucun homme qui mania jamais l’esponton, n’est pas lord Stair, ni même le duc de Marlborough. Je suis loin de nier le mérite du sergent dans sa sphère particulière, quoique je ne puisse comparer ses qualités, quelque excellentes qu’elles soient, à celles d’hommes qui peuvent être, sous certains rapports, ses supérieurs. Le sergent Dunham n’a consulté que son cœur au lieu de sa raison, en se décidant à donner de tels ordres ; mais si le fort est perdu, le blâme tombera sur celui qui en a ordonné l’occupation et non sur l’homme dont le devoir était de le défendre. Quelle que puisse être la détermination du dernier, si les Français et leurs alliés débarquent, un bon commandant ne néglige jamais de s’assurer la possibilité d’une retraite, et je conseillerais à maître Cap, qui est l’amiral de notre flotte, d’avoir une barque toute prête pour évacuer l’île si la chose devenait nécessaire. La plus grande barque que nous avons à une voile très-ample ; en l’amenant près d’ici et l’amarrant sous ces broussailles, tout sera disposé pour un embarquement précipité. Vous pouvez voir, charmante Mabel, qu’à peine vingt-cinq toises nous séparent d’un canal entre deux îles, où nous pourrons nous dérober aux regards de ceux qui auraient pris possession de celle-ci.

— Tout cela peut être vrai, monsieur Muir ; mais les Français ne pourraient-ils pas venir eux-mêmes dans cette direction ? Si l’endroit est si favorable à une retraite, il l’est également à une attaque.

— Ils n’agiront pas avec autant de prudence, — reprit Muir en jetant de ce côté un regard à la dérobée avec quelque inquiétude ; ils ne sont pas assez circonspects. Les Français sont mau-