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tendresse, mais je ne voudrais pas que ce poids passât de mon cœur sur le vôtre.

Sa voix était grave, mais tremblante, et Mabel n’avait pas encore vu dans son père une telle démonstration d’affection. Ses traits habituellement austères donnaient à son émotion un intérêt qu’elle aurait difficilement produit sans cela, et le cœur de la fille brûlait de soulager l’esprit du père.

— Mon père, expliquez-vous clairement ! — s’écria-t-elle avec une vive agitation.

— Non, Mabel ; cela pourrait ne pas être juste ; vos désirs et les miens peuvent être fort différents.

— Je n’ai pas de désirs, je ne sais ce que vous voulez dire ; parlez-vous de mon futur mariage ?

— Si je pouvais vous voir promise à Pathfinder, — vous savoir engagée à devenir sa femme, quel que puisse être mon destin, je crois que je mourrais heureux. Mais je ne vous demanderai aucune promesse, mon enfant ; je ne vous forcerai pas à faire ce dont vous pourriez vous repentir. — Embrassez-moi, Mabel, et allez vous mettre au lit.

Si le sergent Dunham eût exigé de Mabel la promesse qu’il désirait tellement au fond de son cœur, il aurait rencontré une résistance qu’il lui aurait été difficile de vaincre. Mais en laissant la nature avoir son cours, il s’assura un puissant auxiliaire, et la généreuse Mabel se trouva disposée à céder à l’affection beaucoup plus qu’elle ne l’aurait jamais fait aux menaces. En ce moment elle ne songea plus qu’à son père, et cet ardent amour qu’elle avait eu pour lui, qui avait peut-être été en grande partie nourri par son imagination et que la gravité sévère du sergent avait tant soit peu refroidi depuis son arrivée, revint avec toute sa force. Son père lui parut tout pour elle, et il n’y avait pas de sacrifice qu’elle ne fût disposée à faire pour lui. Une pensée pénible mais rapide se présenta à son esprit, et sa résolution chancela ; mais cherchant sur quoi se fondait l’espoir agréable dont elle se berçait, elle ne trouva rien de positif. Habituée, en femme qu’elle était, à maîtriser ses penchants, elle reporta ses pensées sur son père et sur le bonheur qui attend l’enfant qui cède aux désirs d’un père.

— Mon père, — dit-elle tranquillement et presque avec un saint calme, — Dieu bénit la fille obéissante.

— Oui, Mabel ; c’est ce que le Bon Livre nous dit.