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— Je sais ce que c’est, — dit Cap d’un ton tranchant, — c’est le nom d’un bâtiment corsaire de Morlaix, qui fit de bonnes prises dans la dernière guerre.

Mabel regretta d’avoir fait, sans y songer, une allusion qui mettait en défaut toutes les connaissances historiques de son père et de son oncle ; mais elle ne se permit pas même de sourire de la remarque simple et ingénue de Pathfinder.

— Vous ne voulez pas dire, mon père, que je dois me ranger parmi les soldats pour les aider à défendre leur poste ?

— C’est pourtant ce que des femmes ont fait plus d’une fois dans cette partie du monde, comme Pathfinder vous le dira, ma fille. Mais de peur que vous ne soyez surprise de ne pas nous voir en vous éveillant demain matin, il convient que je vous avertisse que nous avons dessein de partir cette nuit pour une expédition.

— Vous, mon père ! Et vous me laisserez seule avec Jenny dans cette île ?

— Non, Mabel, non ; je connais un peu mieux les principes de la guerre. Nous laisserons ici le lieutenant Muir, mon frère Cap, le caporal Mac-Nab, et trois hommes pour composer la garnison pendant notre absence. Jenny restera avec vous dans cette hutte, et votre oncle occupera la mienne.

— Et le lieutenant Muir ? — dit Mabel, presque sans savoir qu’elle prononçait ces mots ; car elle prévoyait que cet arrangement lui occasionnerait bien des persécutions désagréables.

— Il pourra vous faire l’amour, si cela vous amuse, Mabel ; car c’est un jeune homme d’une constitution amoureuse ; et ayant déjà pleuré quatre femmes, il lui tarde de prouver combien il en respecte la mémoire en en prenant une cinquième.

— Le quartier-maître m’a assuré, — dit Pathfinder innocemment, — que lorsque le cœur d’un homme a été hersé par tant de chagrins, il n’y a pas de meilleur moyen, pour le remettre dans son état naturel, que de le labourer de nouveau, de manière à n’y laisser aucune trace du passé.

— Oui, c’est justement la différence qu’il y a entre herser et labourer, — dit le sergent avec un sourire caustique. — Mais qu’il dise à Mabel sa façon de penser, et son amour ne durera pas long-temps. Je sais parfaitement que jamais ma fille ne sera la femme du lieutenant Muir.

Cela fut dit d’un ton qui semblait déclarer que jamais il ne