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Mabel avait pris possession de la hutte destinée à son père, et c’était la meilleure de toutes, étant celle qui était toujours occupée par le commandant. Pour diminuer le travail, on fit d’une hutte voisine la cuisine et la salle à manger, où les principaux membres du détachement devaient prendre ensemble leurs repas que la femme du soldat était chargée de préparer. Mabel put ainsi faire dans la hutte du sergent tous les petits arrangements domestiques qui pouvaient lui être commodes ainsi qu’à son père et que les circonstances permettaient ; et pour la première fois depuis son arrivée sur la frontière, elle se sentit fière de sa demeure. Des qu’elle se fut acquittée de ces importants devoirs, elle alla faire une promenade dans l’île, et, traversant la petite clairière, elle prit un sentier conduisant à la seule pointe de l’île qui ne fût pas entièrement couverte de buissons. Là elle regarda l’eau limpide, sur laquelle on voyait à peine une ride, réfléchit à la nouvelle situation dans laquelle elle était placée, chercha, non sans quelque agitation, à se rappeler tous les événements qui s’étaient passés depuis quelques jours, et se livra à des conjectures sur l’avenir.

— Vous êtes un objet admirable dans un admirable endroit, miss Mabel, — lui dit David Muir, qui parut tout à coup à son côté ; et ce n’est pas moi qui dirai que vous n’êtes pas le plus admirable des deux.

— Je ne vous dirai pas, monsieur Muir, que de pareils compliments ne me sont pas agréables, — répondit Mabel, — car vous ne croiriez peut-être pas que je vous dis la vérité ; mais je vous dirai que s’il vous plaisait de m’adresser quelques remarques d’une nature différente, je pourrais en conclure que vous me supposez assez d’intelligence pour les comprendre.

— Votre esprit, charmante Mabel, est aussi poli que le canon du mousquet d’un soldat, et votre conversation n’est que trop sage et trop discrète pour un pauvre diable qui a passé ici quatre ans au milieu des bouleaux, au lieu de recevoir de leurs branches cette discipline qui à la vertu de faire entrer les connaissances dans la tête. — Mais je suppose, miss Mabel, que vous n’êtes pas fâchée d’appuyer encore une fois votre joli pied sur la terre ferme.

— Je pensais ainsi il y a deux heures, monsieur Muir ; mais le Scud paraît si beau quand on le voit à travers une de ces percées voguer sur le lac, que je regrette presque de ne plus être à bord.