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LE LAC ONTARIO.

— Ce qui est plus que sa part légitime. Un homme peut se marier deux fois sans blesser les bonnes mœurs et la décence, j’en conviens : mais quatre fois, c’est impardonnable.

— Je croirais même que se marier une seule fois est ce que maître Cap appelle une circonstance, — dit Pathfinder en riant à sa manière tranquille ; car son esprit avait déjà repris quelque chose de son élasticité.

— Oui, sans doute, mon ami, et si ce n’était pas Mabel qui doit être votre femme, je vous conseillerais de rester garçon. Mais la voici. Chut ! la discrétion est le mot d’ordre.

— Hélas ! sergent, je crains que vous ne fassiez encore une méprise !


CHAPITRE XIX.


« Cette place était un heureux séjour champêtre, offrant une vue variée. »
Milton.

Mabel les attendait sur le rivage ; et la pirogue fut aussitôt mise à l’eau. Pathfinder fit traverser le ressac à ses compagnons avec la même dextérité qu’il l’avait déjà fait, et ils arrivèrent près du Scud sans avoir même reçu une goutte d’eau du rejaillissement des vagues.

L’Ontario est comme un homme d’un caractère vif, prompt à se mettre en colère, mais s’apaisant aussi vite. L’eau était déjà calme, et quoique des brisants bordassent la côte aussi loin que la vue pouvait s’étendre, ils n’étaient indiqués que par des lignes brillantes, semblables à ces cercles qui se forment sur l’eau d’un étang, quand on y a jeté une pierre. Le câble du Scud se montrait à peine au-dessus de l’eau, et Jasper avait déjà hissé ses voiles pour être prêt à partir aussitôt que la brise de terre qu’il attendait, les enflerait.

Le soleil se couchait lorsque la brigantine s’enfla, et que le cutter commença à fendre l’eau. Le vent était léger et venait du