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dans la forêt, font qu’on a rarement besoin d’un docteur. Mais je suis homme, après tout, — oui, je sens que je suis homme dans quelques-uns de mes sentiments.

Mabel parut surprise, et nous ne ferions qu’ajouter un trait caractéristique de son sexe, si nous disions que ses traits exprimaient aussi la curiosité ; mais sa langue fut plus discrète.

— Il y a quelque chose d’attrayant dans la vie que vous menez, Pathfinder, — s’écria-t-elle, une teinte d’enthousiasme se peignant sur ses joues. — Je sens que je deviens rapidement une fille de la frontière, et que je commence à aimer le silence imposant des bois. Les villes à présent me semblent monotones ; et comme mon père passera probablement le reste de ses jours ici, où il a déjà vécu si long-temps, je commence à sentir que je serais heureuse d’y rester avec lui et de ne plus retourner sur les bords de la mer.

— Les bois ne sont jamais silencieux, Mabel, pour ceux qui peuvent entendre ce qu’ils disent. J’y ai voyagé seul bien souvent sans éprouver le besoin d’aucune compagnie ; et quant à la conversation, ceux qui savent comprendre leur langage ne manquent pas de discours raisonnables et instructifs.

— Je crois, Pathfinder, que vous êtes plus heureux seul, que lorsque vous vous trouvez avec vos semblables.

— Je ne dirai pas cela ; — ce n’est pas exactement ce que je veux dire. J’ai vu le temps où je pensais que Dieu me suffisait dans la forêt, et où je ne désirais que sa bonté et sa protection. Mais d’autres sentiments ont pris le dessus, et je suppose que la nature veut être la maîtresse. — Toutes les autres créatures s’apparient, Mabel, et l’homme a été destiné à en faire autant.

— Et n’avez-vous jamais songé à prendre une femme pour partager votre destin ? — lui demanda Mabel avec ce ton de simplicité qui naît de la pureté du cœur, et avec ce sentiment d’intérêt qui est inné dans son sexe. — Il me semble qu’il ne vous manque qu’une maison où vous puissiez retourner après vos courses, pour rendre votre vie parfaitement heureuse. Si j’étais homme, quel plaisir j’aurais à parcourir ces forêts à mon gré, et à faire voile sur ce beau lac !

— Je vous comprends, Mabel ; et que Dieu vous récompense de songer au bonheur d’êtres aussi humbles que nous le sommes. Oui, nous avons nos plaisirs, mais nous pourrions être plus heureux ; — je crois que nous pourrions être plus heureux.