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LE LAC ONTARIO.

premier ait été le mari de ma sœur et que j’aime l’autre comme si elle était ma fille. — Vous avez tort, ami Cap, vous avez grand tort de ne pas croire fermement à la puissance de Dieu en toute chose, — répondit Pathfinder avec chaleur. — Ceux qui vivent dans les établissements et dans les villes se font une idée étroite et injuste du pouvoir de sa main ;’mais nous, qui passons notre temps en sa présence, comme on peut le dire, nous voyons les choses tout différemment ; — je veux dire ceux de nous qui sont de la nature d’hommes blancs. Une peau-rouge à ses idées, ce qui est juste ; et si elles ne sont pas exactement les mêmes que celles d’un homme blanc chrétien, il n’y a pas de mal à cela. Cependant il y a des choses qui appartiennent entièrement à l’ordre établi par la providence de Dieu, et ces lacs d’eau douce et d’eau salée en font partie. Je ne prétends pas expliquer ces choses, mais je pense qu’il est du devoir de tous d’y croire. Quant à moi, je suis de ceux qui croient que la main qui a fait l’eau douce peut faire l’eau salée.

— Tenez à cela, ami Pathfinder, — dit Cap, non sans quelque énergie ; — en ce qui concerne une foi ferme et convenable, je ne tourne le dos à personne quand je suis à flot. Quoique plus accoutumé à carguer les huniers et les perroquets et à mettre ou établir les voiles convenables qu’à prier, quand l’ouragan arrive, je sais que nous ne sommes que de faibles mortels, et je me flatte de rendre honneur à qui honneur est dû. Ce que je veux dire, et je l’insinue plutôt que je ne le dis, se borne à ceci, — qui, comme vous le savez tous, est simplement une intimation de ma pensée, — qu’étant accoutumé à voir l’eau en grande masse salée, je serais charmé de la goûter pour pouvoir me convaincre qu’elle est douce.

— Dieu a accordé le lick[1] aux bêtes fauves, et il a donné à l’homme, blanc ou peau-rouge, la source délicieuse où il peut étancher sa soif. Est-il déraisonnable de penser qu’il ne puisse pas avoir donné des lacs d’eau pure à l’ouest, et des lacs d’eau impure à l’est ?

Le ton simple, quoique véhément, de Pathfinder imposa à Cap

  1. On appelle licks dans l’Amérique septentrionale, et carrieros dans le Brésil, des terrains sablonneux où le sel se cristallise, comme par efflorescence, et que tous les animaux qui broutent l’herbe, sauvages ou domestiques, vont lécher. (Note du traducteur.)