Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vigoureux de nous dans cette chaudière qu’on voit bouillir sous le vent ?

Cette vue n’avait rien d’encourageant. Le Scud était alors à un mille de la côte, et le vent y portait en ligne droite avec une violence qui ne permettait pas de songer à mettre plus de voiles dehors, dans la vue de s’élever de la côte en courant au plus près. La petite partie de la brigantine qui était déployée, et qui ne servait qu’à maintenir l’avant du cutter assez près du vent pour empêcher les lames de se briser sur son bord, tremblait à chaque grain, comme si les rubans solides qui la retenaient eussent été sur le point de se rompre. La bruine avait cessé de tomber ; mais l’air, jusqu’à une centaine de pieds au-dessus de la surface du lac, était plein de vapeurs qui ressemblaient à un brouillard brillant par-dessus lequel le soleil dardait ses rayons glorieux du haut d’un firmament sans nuages. Jasper remarqua ce changement, et prédit qu’il annonçait la fin prochaine de la tempête, quoiqu’une heure ou deux dussent décider du destin du cutter. Du côté de la terre, la vue était plus effrayante que jamais. Les brisants s’étendaient jusqu’à près d’un demi-mille du rivage, et dans tout cet espace l’eau était blanche d’écume, et l’air était rempli de vapeurs si épaisses qu’on pouvait à peine distinguer la terre qui était au-delà. On voyait seulement qu’elle était élevée, ce qui est rare sur les bords de l’Ontario, et qu’elle était couverte du manteau vert de l’interminable forêt.

Tandis que Cap et le sergent regardaient cette scène en silence, Jasper était activement occupé sur l’avant du navire. Dès qu’il eut reçu la permission de reprendre ses anciennes fonctions, il appela à lui quelques soldats, et avec leur aide et celle de son équipage, il prit à la hâte les mesures qui avaient été différées trop longtemps. Sur ces eaux étroites, les ancres ne sont jamais mises à postes, ni les câbles étalingués, ce qui évita à Jasper beaucoup de travail qu’il aurait eu à faire à bord d’un bâtiment en mer. Les deux ancres de bossoir furent bientôt prêtes à être mouillés, les bittures des câbles furent prises, et ensuite les travailleurs regardèrent autour d’eux. Il n’y avait aucun changement en mieux dans le temps ; le cutter continuait à dériver peu à peu, il lui était impossible de gagner au vent.

Après avoir encore examiné le lac de tous côtés, Jasper donna de nouveaux ordres, de manière à prouver combien il croyait que le temps pressait. Deux ancres à jet furent placées sur le